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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/114

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verrez la lamentable impuissance des comités de conciliation. A peine le cauchemar de la grève était-il momentanément écarté que retentissait le cri périodique : « l’Angleterre en danger ! » Lord Charles Beresford découvrait, que la marine anglaise, dans la Méditerranée, est hors d’état de tenir tête aux forces combinées de la France et de la Russie. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Il n’importe ! Une panique artificielle est née de cette révélation. Pour remédier au mal, que demande-t-on ? La bagatelle de vingt-trois millions de livres sterling, venant après les vingt millions du Naval Defence act, voté en 1889. Toujours payer et toujours trembler ! De là une mauvaise humeur qui se tourne contre le gouvernement. Volontiers on le ferait responsable du fatal coup d’éperon que le Camperdown a donné au Victoria. Je ne parle pas des tracas de l’Angleterre dans l’Afrique du Sud où le danger ne vient pas du petit roi Lobengula, mais de M. Cecil Rhodes qui prétend le vaincre tout seul, sans l’aide ni l’avis de personne. Je ne parle pas des complaisances compromettantes de M. Asquith qui a vraiment mal choisi son heure pour sourire aux anarchistes. Mais enfin, il y a plus que des points noirs : ce sont des grains qui viennent de tous les coins de l’horizon.

Pour obvier à la « famine de lois » que M. Gladstone dénonçait lui-même, le gouvernement a jeté en pâture au parlement et à l’opinion, pour la session d’automne, deux mesures d’une certaine importance. Mais étaient-ce, vraiment, les plus urgentes ? L’Angleterre avait attendu huit siècles ses conseils paroissiaux ; elle aurait pu encore s’en passer huit mois de plus. Quant au bill sur la responsabilité des patrons, il met en péril, prétend-on, le principe de la liberté des contrats, attise la haine entre les classes. Pendant ce temps, les Gallois se morfondent, attendant toujours qu’on les débarrasse de leur église officielle qui ne répond pas à leurs croyances ; en Écosse, le mécontentement des petits fermiers s’accentue et un frisson d’inquiétude parcourt une certaine fraction du monde religieux, parce que, là aussi, il y a une église à réorganiser et que l’arrangement projeté, ou prévu, ne donnera pas, ne peut donner satisfaction à tout le monde. Ces germes de mécontentement sont habilement exploités. M. Goschen, comme toujours, a paru sur les talons de M. Gladstone pour le réfuter. Lord Salisbury s’est montré à Cardiff : c’est la base d’opération des Unionistes pour reconquérir la principauté. Si M. Asquith s’est multiplié, lord Randolph Churchill a été encore plus ubiquiste. Les partisans de la tempérance réclament leur loi contre les ca barets. La démocratie londonienne, de son côté, grince des dents ; elle a voulu manifester sa colère publiquement. Il a fallu toute