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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/17

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LES JUIFS SOUS LA DOMINATION ROMAINE.

II

À ce nouveau point de vue, on ne peut vraiment refuser à Hérode le titre de Grand, qui lui a souvent été décerné. Comme éclat, son règne égala celui de Salomon ; quelque chose de large, de libéral, le domine ; un vrai sentiment de la civilisation le conduit. Ce n’était nullement un Juif. Il aimait la mode et ce qui était alors à la mode, la vie grecque, avec toutes ses recherches, toutes ses élégances. Ses édifices rappelèrent les ouvrages de la plus belle antiquité. Il est inconcevable qu’un petit État ait pu suffire à de tels prodiges[1], quand on sait que d’ailleurs, pour marcher dans cette voie, Hérode allait se heurter contre les idées les plus étroites. Une majorité inflexible de vieux retardataires refusa, comme du temps d’Antiochus Épiphane, d’abandonner les anciennes mœurs et d’embrasser l’hellénisme. Hérode nous apparaît ainsi comme une sorte de khédive éclairé, faisant jouer l’opéra au Caire, patronnant des arts que ses sujets ne comprennent pas, que la religion officielle condamne, faisant taire les murmures des orthodoxes, parce qu’il s’est appuyé sur l’Europe et qu’il est presque seul détenteur de la richesse du pays.

La reconnaissance pour Auguste fut le premier mobile de ces innovations si éloignées du goût juif.

Presque toutes les provinces instituèrent, vers l’an 27 avant Jésus-Christ, des jeux quinquennaux en l’honneur d’Auguste. Hérode ne resta pas en arrière du mouvement général. Pour la célébration de ces jeux, il fallait un théâtre, un amphithéâtre, un hippodrome, Hérode improvisa tout cela. Jérusalem eut en peu de mois tous les édifices contre lesquels elle avait si énergiquement protesté cent cinquante ans auparavant. Le théâtre, situé probablement au sud de la ville[2], était richement décoré ; de pompeuses inscriptions rappelaient la gloire du maître du monde. Il n’y avait pas de statues ; mais parmi les motifs de décoration, il y avait des trophées affectant la forme humaine, qui excitèrent l’animadversion des Juifs. Hérode eut beaucoup de peine à les calmer. Il fut obligé d’aller lui-même au théâtre, de démon-

  1. Le tombeau de David, déjà pillé par Jean Hyrcan, dut être une ressource bien insuffisante.
  2. Un théâtre a été découvert par M. Schick à un kilomètre à peu près au sud de Bir-Eyyoub (Palest., Expl. Fund, 1887, p. 161-166). Josèphe dit que le théâtre était dans Jérusalem ; mais cela doit sans doute s’entendre par à peu près. Si le théâtre et l’amphithéâtre eussent été dans l’intérieur de la ville, il en serait question, comme il est question de l’hippodrome, dans les accidens du siège. L’amphithéâtre était probablement dans le plateau au nord de Jérusalem.