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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/186

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effet de ralentir le mouvement des affaires, et, à Cuba, la crise sucrière a sévi, comme partout ailleurs. Le sucre de betterave a donné lieu à une concurrence terrible et le sucre de canne s’est vu disputer tous les marchés. Depuis 1878, la production du sucre à Cuba n’a pas cessé de diminuer, et, en 1885, le sucre exporté n’était plus représenté que par 90 millions de kilogrammes. Cuba n’est plus cette terre florissante du temps passé, mais néanmoins il n’en faudrait pas conclure que la fortune a résolu de l’abandonner. Cette grande île a trop de ressources, trop de vitalité pour ne pas lutter contre une crise, et son sol est trop fertile pour qu’elle puisse se laisser aller au découragement. »

Il n’eût pas été de mise ; depuis 1885, la production s’est relevée ; elle atteint près de 700000 tonnes, le chiffre de 1878, et l’avenir réservait, d’autre part, d’amples compensations à Cuba. Le tabac, dont l’usage étonnait si fort les compagnons de Christophe Colomb, a soumis à son empire l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie, le monde chrétien et le monde musulman, les nations les plus civilisées et les tribus les plus barbares. Il n’est pas d’exemple d’une conquête aussi vaste et aussi rapide ; quatre siècles ont suffi pour imposer à l’univers entier l’usage de cette plante, et les revenus qu’en tirent les gouvernemens dépassent, en une seule année, le montant des tributs que l’Espagne levait sur le Nouveau Monde.

Aujourd’hui, le tabac est cultivé partout, mais les produits qu’il donne sont infiniment variés. Les centres de production sont nombreux ; il en est quatre surtout qui se disputent, non le premier rang qui appartient sans conteste à Cuba, mais la clientèle du monde : ce sont, avec Cuba, les États-Unis, la Turquie et les îles Philippines. Manille accapare le trafic de l’Extrême-Orient et de l’Océanie ; la Turquie celui de l’Asie et d’une partie de l’Europe ; la Virginie, le Kentucky. la Pensylvanie et l’Ohio celui de l’Amérique ; Cuba, par la supériorité de ses produits, règne sur toutes ces régions. Nulle part les conditions requises de sol et de climat ne sont au même degré réunies ; nulle part, la culture n’est mieux entendue et plus intelligemment développée, nulle part enfin ouvriers plus habiles et manufacturiers plus soucieux du renom de leur marque commerciale ne surveillent avec plus de soin une fabrication plus délicate.

On compte à La Havane, centre principal de cette industrie, une centaine de manufactures de cigares, dont quinze environ de premier ordre, réputées pour n’employer que des tabacs de qualité supérieure, et cantonnées dans une spécialité de cigares où elles excellent.

On en a vu, lors des années de mauvaise récolte, chômer,