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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/22

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REVUE DES DEUX MONDES.

ans. Ils purent connaître Virgile et Horace. Les rhéteurs grecs, du reste, remplissaient Jérusalem. Le cercle littéraire d’Hérode était tout hellénique. La philosophie péripatéticienne s’y enseignait hautement, et nul effort n’était tenté pour mettre d’accord la science grecque avec les enseignemens de la Thora.

Dans cette espèce d’académie, qui n’arriva point à laisser d’elle une bien longue trace, Nicolas de Damas fut l’étoile de première grandeur. C’était un homme vaniteux, mais fort instruit, issu d’une grande famille de Damas, profondément versé dans la philosophie péripatéticienne. Il s’attacha à Hérode et fut conseiller intime dans les dix ou quinze dernières années de sa vie. Hérode n’avait reçu dans sa jeunesse aucune éducation hellénique ; sur ses vieux jours, il prit goût à ces curiosités. Nicolas lui enseigna la philosophie grecque, la rhétorique, l’histoire. Il paraît que, pendant le voyage d’Hérode en Italie (18 av. J.-C), il ne cessa, sur le navire, de causer philosophie avec lui. Il avait dix ans de moins qu’Hérode. Nous le verrons s’employer pour son maître dans les négociations les plus importantes, et continuer ses fonctions auprès d’Archélaüs. Le plus grand service, sans contredit, qu’il rendit à Hérode fut d’écrire cette vaste histoire universelle, en cent quarante-quatre livres, où les temps contemporains étaient traités avec les plus grands développemens. Si la vie d’Hérode nous est si bien connue, nous le devons surtout à Nicolas de Damas. Josèphe ne fit que l’extraire, en modifiant ses appréciations, mais en laissant les exagérations adulatrices. Si Hérode écrivit ses Mémoires, il usa probablement pour cela de la plume de Nicolas de Damas.

Ptolémée, frère de Nicolas de Damas, occupait une place importante à la cour du roi, auprès duquel on trouve encore un ou deux autres lettrés du nom de Ptolémée[1]. Andromachos et Gemellus étaient deux Grecs distingués, qui prirent part à l’éducation de ses fils et tombèrent dans la disgrâce lors des troubles domestiques. Un certain Lacédémonien, Euryclès, joue dans ces affaires un triste rôle ; un rhéteur, Irénée, semble aussi y avoir été mêlé. Le roi avouait parfois qu’il avait plus de penchant pour les Grecs que pour les Juifs. Le souvenir de la conversion forcée de son grand-père, le sentiment du ridicule dont sa circoncision le couvrait aux yeux des Grecs et des Romains, lui faisaient comme une chape de plomb qu’il portait avec impatience et avec une secrète révolte[2].

  1. Ptolémée, auteur d’une vie d’Hérode (probablement Ptolémée d’Ascalon), paraît un biographe du Ier siècle de notre ère.
  2. La génération suivante des Hérodes fut bien plus dévote. Voir Orig. du christ., index.