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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/290

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administrations, industriels, propriétaires, que la vue et l’amour des monumens ont rendus archéologues, — de ce qu’ils m’ont appris. Je leur dois à peu près tout ce que je sais, et mon premier devoir est d’avertir le lecteur que, s’il trouve quelque intérêt à lire ces pages, c’est jusqu’à eux qu’il doit faire remonter sa reconnaissance.


I

Les Romains n’ignoraient pas que la première condition pour bien gouverner un pays, c’est de le connaître, et qu’on ne le connaît que lorsqu’on en sait l’histoire. Il y a des choses dans le présent que le passé peut seul faire comprendre ; ce qui a été explique ce qui est.

Il est probable que, lorsqu’ils s’établirent en Afrique, ils ne se préoccupèrent d’abord que de leurs vieux ennemis, les Carthaginois, à peu près comme les Français, dans les premiers temps de la conquête, ne voyaient partout que des Arabes. Mais en réalité les Carthaginois ne formaient qu’une très petite partie de la population africaine. Ils étaient réunis en général dans les grandes villes, autour des ports de mer ; tout au plus ont-ils exploité çà et là quelques plaines fertiles par une agriculture savante. Dès qu’on s’enfonçait dans l’intérieur du pays, qu’on gravissait les plateaux, qu’on pénétrait dans le désert, on y rencontrait d’autres peuples, qui n’avaient rien de commun avec la race punique. Rome ne pouvait pas les ignorer ; elle eut bientôt à les combattre, et la résistance qu’ils lui opposèrent devait nécessairement éveiller son attention sur eux. Qui étaient-ils ? d’où étaient-ils venus ? appartenaient-ils à la même famille ou à des races différentes ? Ces questions se posaient naturellement à l’esprit de ceux qui, après les avoir vaincus non sans peine, cherchaient le meilleur moyen de les gouverner.

Salluste fut l’un des premiers qui se donnèrent quelque peine pour les résoudre. C’était un homme instruit, intelligent, fort avide d’apprendre, et, quoiqu’il n’eut encore écrit aucun de ses ouvrages historiques, très curieux de connaître le passé. César lui avait donné le gouvernement de la Numidie, et il trouvait dans sa situation le moyen de satisfaire sa curiosité. Pour être bien renseigné sur l’origine des peuples qu’il administrait, il eut l’idée de les consulter eux-mêmes. Un de leurs rois, Hiempsal II, avait écrit leur histoire et raconté d’où ils étaient venus. Salluste se fit traduire le passage et il nous l’a conservé.

« Au commencement, — disait à peu près le roi Hiempsal. — l’Afrique était occupée par les Gélules et les Libyens, des sauvages