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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/383

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considérer l’or et l’argent, c’est-à-dire les deux métaux qui ont joué un rôle essentiel au point de vue monétaire dans l’histoire de notre civilisation et de celles qui ont précédé la nôtre. Les quelques milliers d’années qu’embrassent nos connaissances à cet égard peuvent sembler au premier abord un espace de temps considérable ; elles sont probablement bien peu de chose dans le développement de l’humanité. Cette première réflexion servira à refroidir l’intempérance de certains apôtres de l’une ou de l’autre solution, en les invitant à essayer de se représenter d’une part ce que fut la monnaie dans les temps préhistoriques et d’autre part ce qu’elle pourra être dans l’avenir.

En nous contentant d’aborder la question telle qu’elle se présente à la fin du XIXe siècle, nous nous trouvons en présence des faits suivans : Les principales nations du globe effectuent leurs échanges et calculent leur richesse au moyen de pièces d’or et d’argent ; nous laissons à dessein de côté le billet de banque ou d’État, qui, pour ne pas être réduit à la condition d’assignat, doit être un engagement formel ou tout au moins une promesse éventuelle de fournir au porteur de l’or ou de l’argent en paiement de ce papier. Nous négligeons encore davantage les monnaies divisionnaires, qui ne sont en réalité, elles aussi, qu’une promesse de payer. Car, bien que contenant en elles-mêmes une certaine fraction de leur valeur nominale, elles doivent, dans toute bonne organisation monétaire, pouvoir être échangées contre des monnaies de pleine valeur. C’est ce qu’exprime par exemple formellement la loi allemande.

Mais qu’il s’agisse de disques d’or, d’argent, de cuivre, de nickel ou de billets de banque les représentant, la langue désigne d’un seul et même nom l’unité qui les constitue. Nous appelons franc un poids de 0,3225 grammes d’or à neuf dixièmes de fin ; nous appelons franc un poids de cinq grammes d’argent à neuf dixièmes de fin.

Il est probable que, si deux noms différens avaient été réservés à ces deux objets, l’humanité serait aujourd’hui plus avancée dans l’étude du problème. Les conférences monétaires internationales elles-mêmes auraient peut-être été moins stériles. Il ne faut pas s’imaginer que, parce que dans le cerveau de chaque Français l’idée de quatre pièces de cinq francs en argent est parfaitement adéquate à celle d’une pièce de vingt francs en or, cette identification soit une de ces œuvres élémentaires de la pensée humaine que nous nous figurons volontiers avoir été accomplie même par les intelligences primitives. Le contraire est vraisemblable si nous essayons de faire abstraction de l’état présent de nos