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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/480

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par la grosseur de ses comptes rendus que le Sénat est appelé à jouer un rôle dans la République. Les assemblées qui fournissent la plus grande somme d’efforts ne sont pas toujours celles dont le travail est le plus productif.

L’Angleterre en est un exemple ; l’Angleterre qui, après avoir appris au monde la manière de se servir, dans l’intérêt de la liberté, des parlemens les plus rudimentaires, est en train de nous montrer comment on peut rendre impuissans les parlemens les plus perfectionnés. M. Gladstone, qui entrait l’autre semaine dans sa quatre-vingt-cinquième année, et qui fut ministre pour la première fois, il y a soixante ans, dans le cabinet de sir Robert Peel, a vu se dérouler une partie de cette glorieuse histoire. Sa vieillesse va-t-elle coïncider avec, — on n’oserait dire la dépravation, — mais tout au moins l’abaissement des mœurs politiques de la Grande-Bretagne ?

Après la discussion du home rule, où l’art de mettre des bâtons dans les roues avait paru porté à son plus haut point de perfection, on a vu cet automne, à la Chambre des communes, la même manœuvre recommencer vis à-vis de la loi sur les conseils de Comté et sur la responsabilité patronale dans les accidens, que l’on supposait tout d’abord, à entendre le langage des deux partis, devoir passer avec aisance. Il a fallu, pour voter 19 articles sur 70 dont se compose le premier de ces projets, plus de temps qu’on n’en a mis à voter les 130 articles du projet de M. Ritchie, sur la réforme du gouvernement local, lequel posait ce pendant les principes des innovations que la loi actuelle se borne à développer. Chaque article était l’occasion de nuées d’amendemens, discutés à satiété ; chaque vote était prolongé autant que possible à l’aide de procédés puérils. Une transaction est enfin intervenue, et la loi passera sans doute dans le courant de janvier, avec une modification demandée par des conservateurs et acceptée par le ministère, relativement au morceau du sol agricole mis à la disposition des laboureurs.

Ce ne sont pas d’ailleurs les questions les plus longuement débattues par les Chambres qui passionnent davantage la nation : celle de l’augmentation de la marine anglaise, bien qu’elle n’ait occupé qu’une séance aux Communes, à la fin du mois dernier, a eu le don d’empoigner l’imagination de tout bon patriote britannique, au point de lui faire voir double pendant quelques jours tous les navires de l’Europe, à l’exception de ceux de Sa Gracieuse Majesté. L’agitation a commencé à l’occasion de la présence d’une escadre russe dans la Méditerranée ; le ministère avait été questionné sur le passage des Dardanelles par un navire moscovite et sur un port que le tsar se proposerait d’obtenir du côté de la Grèce.

Rien n’était venu confirmer cette dernière nouvelle, qui n’avait pas au reste de quoi beaucoup inquiéter l’Angleterre, puisque celle-ci a trouvé moyen, peu à peu, d’acquérir dans la Méditerranée, non pas un