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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/526

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appelaient la fatalité, nous mènera directement, inévitablement à la guerre ou à la ruine ; elle fournit en outre amplement, aux plus détestables doctrines, de puissans moyens de propagande. Avant qu’il soit longtemps, toutes les causes d’un trouble profond, d’une irrémédiable perturbation se trouveront donc réunies : la misère, l’anarchie, une conflagration imminente. Il faudra pourvoir à ces dangers, et, dans cette nécessité, un gouvernement, formidablement armé, tire l’épée, convaincu de tout purifier par le fer et le feu, n’ayant d’ailleurs, devant lui, nulle autre issue pour sortir de l’impasse où il est renfermé. N’est-il pas du devoir de chacun de conjurer, en temps opportun, de pareilles éventualités ? Nous nous abusons peut-être, mais nous inclinons à croire que le temps, qui dans de semblables circonstances ne profite à personne, est encore moins préjudiciable, en s’écoulant, à la France qu’aux autres puissances continentales. Le mal qu’il développe est, pour chaque pays, en raison inverse de sa richesse nationale, et nous ne croyons pas émettre une opinion présomptueuse en nous imaginant que nos ressources nous permettent de supporter, plus longtemps que la plupart de nos voisins, la situation internationale qui pèse si lourdement sur eux comme sur nous. Nous pensons néanmoins interpréter fidèlement le sentiment public en France en conjurant quiconque peut y contribuer à rechercher les moyens de résoudre le redoutable problème qui s’impose à la sollicitude comme à la religion des gouvernans de tout ordre ; d’éviter au monde des hécatombes qui ne sauraient, quoi qu’il advienne, profiter à la civilisation, et seraient une honte mortelle pour la génération actuelle et un légitime sujet de malédiction pour les générations futures.

Nous avons accompli un devoir en signalant le mal et, pour le remplir en toute sincérité, nous n’avons rien déguisé. Il ne saurait nous appartenir, à un aucun degré, d’indiquer le remède. Il est dans la conscience des puissans de la terre ; qu’ils y descendent et ils y trouveront les élémens des solutions pacifiantes. La Triple Alliance est un instrument de défiance et de haine ; les faits le démontrent surabondamment aujourd’hui. Elle produira ce qu’elle contient en germe depuis son origine : la ruine ou la guerre, peut-être les deux fléaux ensemble. Si ceux qui l’ont constituée ou qui en sont devenus les gardiens n’en sont pas convaincus, c’est que Jupiter les rend démens pour les mieux châtier. La morale serait un vain mot si cette vérité, que nous a léguée la sagesse des siècles, ne devait pas triompher de notre temps.

Mais la morale, dans l’histoire, a eu raison de tous les abus de la force, et elle ne se démentira pas. Sous l’empire d’un louable