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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/555

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EN ALLEMAGNE

1842


I. — DE PARIS A METZ. — LE BORDER.

Lundi 20 juin. — Parti de très bonne heure de Paris, j’ai arrêté ma première étape à Sainte-Menehould. Rien de saillant sur la route ; de petits vignobles mesquins couvrent un pays qui semble avoir eu une tout autre importance, si l’on en juge par les nombreux bourgs, les petites villes dont quelques-unes ont gardé de grandes églises, de larges boulevards serpentant sur les vieilles murailles qui furent jadis des fortifications. La France, de ce côté, a visiblement porté en avant ses frontières.

Nous montons ; et peu à peu le plateau s’étend en grandes plaines qui mènent à Châlons. Je ne puis qu’entrevoir la vaste, l’admirable cathédrale, sombre de ses vitraux de tous les siècles. Plus loin, la belle église de Notre-Dame de l’Épine, avec ses grotesques : un monde de sculptures dans un désert.

Sainte-Menehould a toujours son Hôtel des Princes dont a parlé Victor Hugo. Je retrouve la légendaire cuisine, le petit oiseau dans sa cage, la jeune fille, mais, en plus, une belle-mère criarde, acariâtre, vulgaire. Le logis en est tout changé. L’enfant est devenue femme, s’est mariée sans rencontrer le bonheur. Triste, déjà fanée, la bouche amère, même dans le rire. Elle ne redevient belle que sérieuse et silencieuse.

Après Sainte-Menehould, une longue montée donne le temps de tout voir à loisir. Pays pauvre, un peu plus boisé que le précédent. C’est Clermont-en-Argonne, « les Thermopyles de la France », disait Dumouriez. J’ai moi-même quelque peine à les