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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/592

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Les châteaux sur des castra, les églises et couvons sur d’anciens temples.

La tradition, non plus, ne s’était pas effacée. Qu’ont été les grands archevêques de Mayence, de Trêves, Cologne, Strasbourg, sinon les continuateurs du droit romain au sein de la barbarie germanique ? Ce saint empire, dont ils étaient chanceliers, avait par eux une chancellerie imitée de celle de l’ancien empire romain.

Et la terre, elle aussi, est restée romaine, faite de la poussière des Légions. Gravissez la montagne, à côté de la tour de Drusus, — le fondateur de Mayence, — vous trouverez partout des dalles funéraires. Descendez aux fortifications, là c’est tout un cimetière romain. En creusant, on amis à jour des caveaux, on a trouvé les urnes renfermant les cendres recueillies dans les columbaria. Beaucoup de ces tombeaux appartiennent à ceux qui ont fait les grands travaux dans Mayence ou sa banlieue : la tour, l’aqueduc, le vieux pont. Morts loin de leur pays, en vue des barbares, ces grands travailleurs sont restés là à côté de leur travail.

Comme chaque soldat ne pouvait avoir à lui une tombe séparée, qu’ils devaient rester, ces braves, unis dans la mort comme ils l’avaient été dans la vie, on a trouvé le moyen de los conduire aussi ensemble à l’immortalité.

Le nom de la légion était inscrit à la surface et dans l’épaisseur même du monument qu’elle avait bâti, récompense enviée de tous.

Ainsi au bout de trois mille ans, elle vit, l’héroïque XIVe légion, dans chaque pile de l’aqueduc de Mayence. Dans l’épaisseur du ponton retrouve la glorification des faits d’armes, on y voit, représentée sur des dalles, la cavalerie barbare alliée de Rome, foulant aux pieds des barbares barbus, chevelus.

Sur d’autres pierres on fit gravé : à la Thracum, à la Noricorum, à la Hispanorum. Ainsi l’année de Rome était celle du monde. Les camps romains sur le Rhin étaient l’avant-garde du monde civilisé.

Ce n’a point été seulement un passage ; on sait qu’outre les légions mobiles des soldats célibataires, nombre de vétérans restaient et recevaient le long du Rhin, du Mein, des terres à cultiver. Dès lors, ils devenaient colons, se mariaient ; ainsi a dû se fonder, à la longue, par le mélange des deux races, une population demi-romaine.

La tour de Drusus, en face du confluent du Mein, était visiblement une vigie pour le surveiller. Tout près, l’autre tour solide,