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II.

SUR L’ÉTANG BLEU


Sur l’étang bleu passait la verte libellule,
Effleurant l’eau parfois de son aile de tulle.

Quand je revins un soir rêver au bord de l’eau.
La libellule était morte sur un roseau.

L’eau n’eut plus le baiser de son aile de tulle,
Et j’ai pleuré tout bas la verte libellule.

Sur un grand saule vert gazouillait un oiseau ;
Un soir, je l’ai trouvé mort au pied du roseau.

L’eau n’eut plus la chanson de sa voix cristalline,
Ni le doux frôlement d’une aile verte et fine.

Un bleu myosotis s’ouvrait au bord de l’eau ;
Un soir, je l’ai trouvé fané sous le roseau.

L’eau ne refléta plus sa corolle bénie…
Le roseau lui contait ses heures d’agonie.

Et j’ai pleuré la fleur et l’insecte et l’oiseau :
Hélas ! bientôt après j’ai pleuré le roseau.

Et l’étang bleu mourut à l’ombre des grands charmes,
Hélas ! après avoir pleuré toutes ses larmes.


III.

 LE BENGALI


La Mort, ô bengali, chanteur du bord de l’eau.
A brisé dans son vol ton aile si soyeuse ;
Elle le lit un nid dans ses bras, l’envieuse,
Ne pouvant épargner un seul petit oiseau.