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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/894

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sont d’accord pour prêcher le respect du corps, pour recommander qu’on le soumette à l’exercice régulier, à l’entraînement progressif. Tous ont pour mobile : suivre la nature ; et pour idéal : faire la nation forte on la constituant d’individus vigoureux : « La vigueur et l’esprit d’entreprise d’une nation, dit un médecin[1], dépendent de la santé et de l’entraînement physique de ses jeunes hommes pendant leur croissance et leur développement. Il n’est donc pas de question plus importante pour un pays que celle de l’éducation et de la santé de ses enfans des deux sexes. Cela est vrai pour toutes les classes, mais surtout pour les enfans qui sont élevés dans nos écoles de premier ordre et qui deviendront les chefs de la nation dans les diverses manifestations de son activité. »

Un poète, et des plus délicats, des plus intellectuels qui soient, tient le même langage : « Le corps doit être fait, en sa jeunesse, aussi beau et parfait qu’il peut l’être, quelles que soient les pensées d’avenir[2]. »

Que nous voilà loin du système qui a formé toutes les générations de la bourgeoisie française en ce siècle, dans toutes nos écoles libres ou d’Etat, laïques ou ecclésiastiques, et dont on a pu dire : « Son principe secret, c’est qu’on doit accorder le moins possible aux exigences du corps si l’on veut développer l’esprit et que l’esprit profite de tout ce que perd la matière, — ce principe singulier, qui a son origine lointaine dans la doctrine mystique de la délivrance de l’âme par l’émaciation du corps…[3]. » Les hommes de vingt-cinq à trente ans, élevés dans nos lycées de Paris, se souviennent encore du temps où les maîtres les plus distingués de notre Université employaient les sarcasmes ou l’intimidation pour décourager ceux de leurs élèves qui étaient soupçonnés d’avoir trop de goût pour la gymnastique, l’escrime ou l’équitation.

  1. Clément Dukes. Health at school. Londres 1887, p. 5. — M. Cl. Dukes a été longtemps attaché à l’école de Rugby.
  2. J. Ruskin, Time and tide. Cité par Marshall Mather, p. 104.
  3. Ém. Montégut : Mœurs des écoles dans la Grande-Bretagne ; voyez la Revue du 15 juillet 1858.