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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/959

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se faisait entendre, serait peu écoutée. On saura du reste à quoi s’en tenir dans quelques jours, puisque le délai pour la ratification du traité de commerce qui vient d’être enfin conclu avec la Russie expire le 20 mars et qu’il aura dû par conséquent avant cette date être discuté par le Reichstag ; on peut considérer comme certain que la convention sera approuvée, avec ou sans l’intervention de l’empereur, qui a déclaré que « son rejet mettrait en péril la sécurité de l’Allemagne. »

Sans aller aussi loin que Guillaume II, on peut estimer que, non seulement le monde industriel a raison de se féliciter au-delà du Rhin des résultats obtenus, mais que les cercles politiques doivent l’accueillir de leur côté avec faveur, puisqu’il ne sera pas sans influence sur les bonnes relations des deux empires. Quant à nous Français, nous ne serons pas les derniers à nous réjouir de cette heureuse issue du travail de négociateurs parmi lesquels notre pays compte des amis sincères, tels que M. A.. Raffalovich, l’un des trois plénipotentiaires du tsar. Loin de regretter l’accord russo-allemand, la France en recueillera elle-même certains avantages, parce qu’elle profitera, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée que lui assure sa convention de juillet 1893 avec la Russie, des nouveaux abaissemens de taxe consentis par cette dernière à l’Allemagne.

Au point de vue politique nous ne sommes, quoi qu’on ait pu dire et imprimer dans quelques capitales, nullement jaloux de cette entente commerciale. Notre affection pour l’empire russe et pour son chef n’a rien d’étroit ni d’égoïste. Ceux-là se trompent qui croient que, non contens d’être bien avec lui, nous souhaiterions aussi qu’il fût mal avec tout le monde, afin que notre appui lui fût plus précieux. Cela pourrait être si la France nourrissait des velléités belliqueuses ; pacifique comme elle l’est, elle voit avec plaisir tout ce qui peut en Europe effacer jusqu’à l’ombre des difficultés futures.

L’Autriche, où la politique si évidente, si marquée depuis deux ans, du comte Kalnoky avait pour but de substituer Vienne à Berlin dans la direction de la Triple Alliance, éprouvera-t-elle là-dessus les mêmes sentimens que nous ? Il est clair que le procédé de M. de Caprivi a pour but, en cherchant à reprendre avec Pétersbourg les relations de cour toise intimité qui ont uni pendant près d’un siècle les Romanow aux Hohenzollern, de replacer au second rang la monarchie austro-hongroise, contre laquelle subsistent, en Russie, des griefs mal éteints. D’ailleurs le cabinet de Vienne, quoiqu’il ait remporté dernièrement à Belgrade, parle renvoi du ministère radical et par l’arrivée aux affaires du parti libéral-progressiste, un succès qui ne paraît pas pouvoir être de très longue durée, a suffisamment de quoi s’occuper en faisant de la diplomatie à l’intérieur de ses propres frontières.

Entré en fonctions il y a trois mois, le ministère Windischgraetz, — prononcez : de Plener, disait-on malicieusement à ses débuts, — avait