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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/107

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ni à espérer, l’indifférence aux inventions et aux progrès, remplaceront, dit M. Pearson, la superbe confiance de races qui, en ce moment, ne cessent de soupirer après des mondes nouveaux à conquérir. » Dès qu’une race s’abandonne, faute de stimulans à son activité indéfinie, la voilà qui cesse d’être créatrice, non seulement dans l’industrie, mais, par contre-coup, dans la science même, dans la littérature, dans les arts. Nous serons refoulés, bloqués, assiégés dans notre vieux continent ; et nous y étoufferons.

Aurons-nous la consolation d’avoir passé aux autres races, avec la suprématie sur le globe, la grande tâche de réaliser une civilisation de plus en plus élevée ? Le Chinois, par exemple, deviendra-t-il un jour inventeur ? Fera-t-il avancer la science, la morale, l’art ? On peut sans doute l’espérer, mais c’est une espérance aléatoire. Jusqu’ici, nous l’avons vu, la race jaune a dormi d’un long sommeil sur ses premières inventions. Quant aux noirs, nous avons vu aussi qu’ils sont encore loin des jaunes eux-mêmes. Comment donc ces trois tronçons de l’humanité, comme ceux d’un serpent, arriveront-ils à se rejoindre ?

— Ce qu’on dit aujourd’hui des races de couleur, a-t-on objecté, les enfans de l’Hellade et du Péloponnèse auraient pu le dire des Germains et des peuples errans sans lois, sans gouvernement, sans tradition, sans histoire, dans les profondeurs de la Scythie et de la Germanie. Qu’est-ce qu’ont produit, pendant les dix siècles du moyen âge, et les Germains et les Slaves ? Qu’ont produit les Anglo-Saxons ? Eurent-ils des inventeurs, des poètes, des savans, des philosophes, une flotte puissante, des colonies ? Dans l’histoire de la Grèce, supprimez deux siècles ; en quoi les Grecs l’auraient-ils emporté sur les autres nations ? Ou, plus simplement, supprimez une seule ville, Athènes, et voyez quel vide ! — Rien de plus vrai, et personne n’a le droit de fermer entièrement l’avenir aux races de couleur. Mais il faut reconnaître que les peuples appelés barbares par les Grecs et les Romains étaient en réalité leurs plus proches parens et, pour ainsi dire, leurs cousins germains. Les noirs sont aussi nos cousins, mais tellement éloignés aujourd’hui, que les différences de constitution physique et mentale sont devenues énormes. Tout autre est une race jeune, comme l’étaient les anciens Germains, tout autre une race vieillie et figée dans son antique civilisation, comme est la Chine. Les Germains, c’était l’avenir ; la Chine, c’est le passé. Les Germains étaient peu nombreux et faciles à absorber dans le grand monde latin, avec lequel ils ne pouvaient mettre en balance leur bas degré de civilisation ; les Chinois, au contraire, ont une civilisation complète en son genre, au-dessus de laquelle, actuellement, ils ne conçoivent rien. Transformer