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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/233

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si fières de leur autonomie, et il les a contraintes à réformer leurs statuts en se mettant en règle avec l’esprit nouveau. En 1871, leurs revenus montaient à plus de 18 millions, et elles ne comptaient que 3 463 étudians. Aujourd’hui on peut étudier à Oxford ou à Cambridge sans avoir 7 ou 8 000 francs à dépenser par an. Dès 1871, après une longue résistance des Lords, les dernières restrictions religieuses furent abolies, et il fut permis à un dissident de briguer le grade de maître es arts et de concourir pour les places d’agrégé. On ne s’en est pas tenu là : on a exigé la création de grands cours publics, et du même coup on sécularisait le personnel enseignant. En 1891, presque tous les professeurs publics étaient des laïques, et sur 391 fellows résidant à Oxford 150 seulement appartenaient au clergé.

Les universités sentaient elles-mêmes le besoin de se rajeunir. Longtemps indifférentes à ce qui se passait dans l’âme et dans l’esprit des foules, elles se sont humanisées, elles ont pris à tâche de justifier leur existence auprès des petites gens. Dorénavant elles ne croient pas déroger en s’imposant une sorte d’apostolat in partibus infidelium. Elles envoient chaque année dans les grandes et petites villes des missionnaires chargés de faire des conférences, d’enseigner aux petits bourgeois, aux ouvriers, aux artisans de Sheffield, d’Oldham, de Newcastle, la chimie, la physique et, selon les cas, l’histoire d’Angleterre ou les beautés de la tragédie grecque. D’autre part, elles ont institué un système d’examens locaux à l’usage de ceux qui ne sont pas membres de l’Université. Toute ville d’Angleterre est autorisée à faire examiner par leurs agrégés les élèves de ses écoles secondaires. « Au jour indiqué, les candidats inscrits se réunissent ; on leur distribue des séries de questions imprimées qui ont été expédiées, avec toutes les précautions voulues, d’Oxford ou de Cambridge. Une commission nommée par l’université reçoit, corrige et classe les compositions… L’émulation des écoles entre elles est stimulée par les examinateurs, qui publient non seulement la liste des candidats reçus, mais encore un classement des meilleurs candidats. » Ajoutez que l’Université de Londres, qui n’est pas un corps enseignant, mais une commission d’examens, a depuis longtemps le droit de conférer des grades aux élèves sortis des écoles secondaires ; que son certificat de matriculation ouvre une foule de carrières ; qu’en 1858 le nombre des candidats n’était que de 299, qu’en 1885 il s’élevait à 1 900. On a souvent dit que la France était le pays des examens, des concours et des diplômes : si c’est une maladie, cette fièvre, paraît-il, est contagieuse, et l’Angleterre en est atteinte.

Comme nous aussi, elle est fort occupée à remanier, à étendre, à compliquer les programmes scolaires et les plans d’études. Une certaine démocratie niveleuse est disposée à considérer l’enseignement secondaire moins comme une préparation à l’enseignement supérieur que comme une institution qui doit mettre la jeunesse en état de s’en