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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/339

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moyen âge on ne les trouvait jamais assez longues ; telle, qui devait durer huit jours, dépassait en fait un mois. Aux derniers temps de l’ancien régime la durée légale était au contraire rarement atteinte ; elle s’abrégeait par le seul consentement des vendeurs et des acheteurs, même en des provinces arriérées comme la Basse-Bretagne. Cette vie de nomade, de colporteur, devint odieuse aux négocians. « Qui fait ses affaires par commission, disait un vieux proverbe, va à l’hôpital en personne. »

Des commerçans que l’on a souvent, de nos jours, considérés comme les ancêtres des marchands de nouveautés, étaient les merciers, « qui tenaient magasin sans vendre au détail », grands seigneurs du trafic, auxquels une ordonnance royale permettait d’acheter la noblesse. Mais s’il est vrai que, seuls entre tous les corps d’état, les merciers pouvaient tenir toute espèce de marchandises ; s’ils étaient quincailliers, tapissiers, joailliers, marchands devin et de jouets à la fois ; s’ils connaissaient déjà les pompes de l’étalage, sachant « garnir des gans » et attacher galamment des rubans aux habits ; si l’on faisait dans la mercerie les grandes fortunes, au point que tel qui n’avait pas 500 livres vaillant à son début se retirait avec des millions, il était interdit au « mercier-grossier » de faire la vente au détail. S’il voulait entrer en rapport direct avec le public, il avait les mains liées par les règlemens que l’on connaît. Ses débordemens étaient réprimés bien vite en un temps où les tailleurs d’habits ne pouvaient travailler que sur mesure, où les « pourpointiers » avaient défense de faire des culottes, et les « chaussetiers » de faire des pourpoints ; où chaque pièce d’étoffe avait son état civil et ne pouvait entrer dans le monde sans être munie de papiers en règle, la largeur des soieries étant mûrement délibérée au conseil d’État, de même que la couleur des lisières.

Aussi quel pauvre assortiment dans les boutiques ! Le gouvernement fait chercher en 1630, dans tout Paris, du damas rouge pour l’ameublement des galères royales de la Méditerranée, et « il ne s’en peut trouver, écrit-on au grand maître de la navigation, plusieurs pièces de la même nuance ». L’on songe à en envoyer chercher à Gênes ; mais, comme « il y a beaucoup de risques », on se contente de « recueillir dans les villes du Midi ce qui se trouvera de bien semblable ».

En dehors des temps de foire, la seule concurrence que rencontrât, à Paris comme en province, le commerce local parqué et étiqueté était celui des marchands de passage qui vendaient des toiles à la halle, ou des « blanquiers » qui venaient débiter divers objets en plein air, avec l’autorisation du conseil de ville, par la voie de la loterie. Les ventes à la criée, en cas de retraites ou