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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/436

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assimilable de nitrates, je n’y reviendrai pas aujourd’hui ; je veux seulement montrer comment on peut tirer de ces études l’explication de ces deux propriétés précieuses et, semble-t-il, au premier abord, contradictoires du fumier : son action est immédiate, elle est durable.

Elle varie aussi d’un sol à l’autre et, pour le bien montrer, j’ai maintenu, sans culture, des terres de natures très diverses additionnées ou non de fumier de ferme, puis j’ai cherché dans les eaux de drainage qu’elles laissaient égoutter les nitrates formés ; l’excédent contenu dans les terres fumées indiquait la part que prenait à la nitrification l’azote du fumier.

Les différences sensibles dès le printemps qui suit l’épandage s’atténuent pendant les saisons suivantes : dès la première année, dans une terre légère, du tiers au quart de l’azote de la fumure est nitrifié, par suite assimilé ou entraîné ; dans une terre forte, la proportion n’est plus que d’un cinquième, le septième dans une terre de la Limagne d’Auvergne très chargée d’humus. Ainsi, l’année même de la fumure, une fraction de l’azote du fumier entre en jeu, mais une autre fraction et beaucoup plus importante reste en réserve. On conçoit dès lors comment il est inutile de répandre du fumier tous les ans, comment surtout les arrière-fumures, comme disent les cultivateurs, ont une influence si marquée ; elles se font sentir pendant de nombreuses années ; quand une terre a reçu de copieuses fumures de fumier de ferme, elle conserve longtemps une remarquable fertilité ; les cultivateurs l’ont observé depuis longtemps, et c’est là ce qui rend si avantageux les baux à long terme, si désastreux au contraire les engagemens qui ne durent que peu d’années.

Quand un fermier est à fin de bail et que ce bail ne doit pas être renouvelé, il s’efforce d’utiliser les réserves que les fumures, qu’il a distribuées à son entrée et pendant sa culture, ont accumulées dans son sol ; il cesse de répandre du fumier et il augmente les surfaces consacrées aux marchandises de vente ; il part, laissant le sol épuisé. Le nouveau fermier est obligé de prodiguer les fumures pendant les premières années, mais elles sont bien loin de produire immédiatement tout leur effet ; la fertilité ne s’improvise pas. C’est seulement après quatre ou cinq ans qu’elle est rétablie, mais déjà s’approche le terme, si, comme cela arrive souvent, le bail n’est signé que pour neuf ans ; pendant les dernières années recommencera la culture épuisante, qui exigera du fermier entrant de nouveaux efforts ; ainsi la terre n’acquiert pas la fertilité que lui donnerait une culture mieux aménagée, ou que lui assurerait un règlement équitable des indemnités dues au fermier sortant laissant sa terre en bon état.