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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/446

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produit le guano qu’on a exploité naguère, et il est probable que le nitrate de soude tire son origine d’anciens bancs de guano. Au-dessous d’argile agglutinée par du sel marin se trouvent les couches renfermant le nitrate ; on concasse la masse saline à coups de mine, puis, profitant de la solubilité du nitrate dans l’eau, on le sépare de sa gangue terreuse, en plaçant dans de grandes chaudières les fragmens de la caliche : c’est ainsi qu’on désigne le mélange de sable, de nitrate et de sel marin, qu’on porte à l’ébullition ; on décante le liquide saturé, le nitrate cristallise par refroidissement, tandis que le sel marin reste en dissolution.

L’emploi régulier du nitrate de soude et du sulfate d’ammoniaque marque une des étapes du progrès agricole. La production du fumier est limitée par les ressources fourragères, son épandage est parfois gêné par les conditions climatologiques : les terres argileuses, détrempées par la pluie sont inabordables aux lourds chariots de la ferme ; l’action même de ce fumier est également subordonnée aux influences saisonnières ; par suite, on conçoit sans peine quels avantages tire la culture d’engrais de faibles poids, très faciles à répandre et d’un effet immédiat.

Au printemps un blé est languissant, les feuilles sont petites, pâles, jaunâtres : naguère on était fort empêché ; aujourd’hui on distribue de 100 à 150 kilos à l’hectare de nitrate de soude ; en huit jours l’aspect est changé, les plantes traitées sont plus hautes, plus vigoureuses, d’un vert plus foncé que leurs voisines ; la végétation repart sous l’influence du nitrate comme un attelage fatigué, stimulé d’un coup de fouet.

Si le nitrate de soude et le sulfate d’ammoniaque sont de puissans agens de fertilité, ils n’exercent d’action sur les récoltes qu’autant qu’ils sont employés avec discernement. Le nitrate de soude est très soluble dans l’eau, les dissolutions filtrent au travers du sol sans changement, de telle sorte que ce serait une très grosse faute que de le distribuer à l’automne sur des terres nues, ou même sur de jeunes plantes encore peu vigoureuses, qui ne pourraient le retenir entièrement : le nitrate serait dissous, entraîné, perdu. Il n’en est pas entièrement de même du sulfate d’ammoniaque : tant que l’azote qu’il renferme persiste à l’état d’ammoniaque, il se conserve assez bien dans le sol et les eaux n’en entraînent qu’une faible fraction ; mais quand les conditions de température et d’humidité sont convenables, l’ammoniaque est saisie par les fermens nitriques, et son azote uni à l’oxygène devient acide nitreux, puis acide nitrique ; il se combine à la chaux et, sous cette nouvelle forme, il est facilement entraîné. Mais, quoi qu’il en soit, cette transformation est toujours assez lente en hiver et quelques praticiens éclairés trouvent avantageux de donner dès l’automne,