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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/533

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nonces et internonces, doivent recevoir leurs instructions de quelqu’un, rendre compte de leurs actes à quelqu’un ; les ambassadeurs étrangers doivent trouver à Home quelqu’un avec qui s’entretenir, sans remonter, à tout propos, jusqu’au Souverain-Pontife lui-même. L’intermédiaire quotidien entre le pape et les ambassadeurs, le confident et le traducteur de sa pensée, le ministre des affaires étrangères du Saint-Siège est le cardinal secrétaire d’État.

Ses fonctions sont délicates et difficiles par-dessus toutes : elles le sont infiniment plus, depuis que la papauté a été réduite à n’être plus qu’une puissance spirituelle. Elles sont délicates pardessus toutes, parce que les questions dont l’étude et la solution appartiennent au cardinal secrétaire d’État sont à moitié du domaine politique et à moitié du domaine religieux ; parce que, ne pouvant opposer à la force qu’une force exclusivement morale, il a quand même à sauvegarder la liberté, la fierté de la conscience ; par-dessus toutes, elles sont difficiles, précisément parce que le Saint-Siège est une puissance d’une nature particulière et que l’Église catholique forme dans chaque État comme une espèce d’État ; difficiles enfin, parce que les États modernes sont très jaloux de leur autorité, ne la veulent point partagée et, par le partage, affaiblie ; parce qu’ils sont théoriquement neutres et pratiquement indifférens, si ce n’est pas hostiles ; parce que l’Église avec son chef suprême, ses liens étroits, l’obéissance qui est sa règle, ses prises sur les hommes, leur donne de l’ombrage et, pour tout dire, parce qu’ils se méfient d’elle. Traiter avec le Saint-Siège, il leur semble que ce soit un peu traiter avec le mystère, qui a toujours on ne sait quoi de déconcertant et d’irritant. Mais, sous ce rapport et pour ce qui est de son influence morale, la papauté n’a fait que gagner à être séparée de la terre.

Le mystère et la majesté ont grandi, depuis qu’on ne peut plus voir le pape en carrosse dans les rues de Rome, et ceux-là l’ont mis hors de l’atteinte des puissances, qui l’ont mis hors du congrès des puissances. Ils l’ont fait invisible, insaisissable, on dirait volontiers incorporel, impersonnel. La personne extérieure du pape, c’est le cardinal secrétaire d’État en ce qui touche la politique, et la politique du Saint-Siège est déterminée, commandée par la nature du pouvoir de l’Église, de ses fins et de ses moyens, par les conditions toutes spéciales où elle se meut. Elle l’était, même avant que les événemens de septembre 1870 eussent apporté dans le droit international le trouble qu’ils y ont introduit, et que, par eux, la position du Saint-Siège envers tous les gouvernemens et la position de tous les gouvernemens envers le Saint-Siège eussent