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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/674

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fâcheux à ce phénomène, fâcheux en ce sens que les rentiers auront à l’avenir moins de rentes, que l’humanité aura plus à travailler, qu’une rémunération de moins en moins forte sera réservée au capital. Mais est-ce là un mal sans compensation ? Est-il si bien prouvé que les grandes œuvres de la civilisation sont achevées ? Ce qui est vraiment fâcheux, c’est l’encouragement officiel donné à l’extrême timidité des capitaux. Si les pouvoirs publics pouvaient une fois comprendre que les caisses d’épargne manquent à leur mission en donnant un intérêt supérieur à 2 pour 100, on verrait sortir du « far niente » un ou deux milliards réclamant un emploi rémunérateur. Il en résulterait une secousse violente ; et probablement la mise en train d’une nouvelle succession de grandes et fécondes entreprises pour l’activité industrielle et la production agricole.


III

L’avilissement des prix, l’abaissement du taux de l’intérêt, sont considérés par toute une école d’économistes comme provenant d’une cause unique, ou tout au moins principale ; la démonétisation de l’argent et la raréfaction de l’or. Cette thèse a de nombreux partisans en Angleterre, où bimétallistes et protectionnistes voudraient voir le gouvernement assumer, contre toutes les traditions britanniques, un rôle providentiel. Mais ils n’ont réussi à convertir jusqu’ici ni l’opinion publique, ni les chefs des deux grands partis politiques. En France, on n’est pas encore bimétalliste dans les régions gouvernementales et parlementaires, mais on y est furieusement protectionniste. Cependant les résultats donnés jusqu’ici par cette politique ne sont pas de nature à modifier le sentiment de ceux qui croient que l’on a fait fausse route en 1892 en dotant la France d’un tarif inspiré du plus pur esprit Mac Kinley.

Pendant les six premiers mois de 1894, le double mouvement d’augmentation dans les entrées de marchandises étrangères en France et de diminution dans les sorties de marchandises et de produits nationaux n’a cessé de s’accentuer. Les chiffres de notre commerce extérieur pendant cette période, comparés à ceux de la période correspondante de 1893, accusent une augmentation de 335 millions à l’importation et une diminution de 78 à l’exportation. Dans le seul mois de mai nos envois à l’étranger sont tombés, de 334 millions en 1892 et 283 millions en 1893, à 265 millions en 1894. Nos achats ont augmenté au contraire de 305 millions (mai 1893) à 323 (mai 1894).