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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/752

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cette familiarité qui fait tout l’agrément du commerce entre les hommes ne pourra pas y être dès l’abord… »

Et quelques jours après, il juge en ces termes le successeur avec qui il a eu le temps de faire connaissance : « Le style de M. de Saint-Contest est beaucoup plus laconique que ne l’était celui de M. de Puisieulx. C’est un homme qui n’a pas cette dose de confiance en lui-même qui est nécessaire à l’homme sage vis-à-vis de lui-même et qui a toujours peur de se commettre. » Enfin il résume ainsi son jugement sur l’état qu’il a sous les yeux : « À mesure que j’e vois de plus près cette cour et le gouvernement interne de cette monarchie, j’y découvre plus de défectuosités. C’est une charrue assez mal attelée, et la plupart des choses s’y font par intrigue et par cabale. Nous avons de quoi nous consoler de ce que les choses ne vont pas mieux. »

Voilà pour ce qui regarde les dépositaires officiels du pouvoir. Mais il sait bien que là n’est pas toute l’influence, qu’on peut la chercher et, en la ménageant bien, utilement l’exploiter ailleurs. Mme de Pompadour ne vient-elle pas d’être appelée, comme autrefois Mme de Maintenon, en tiers dans les entretiens du roi avec le ministre chargé des affaires étrangères ? « Dès la première audience je n’ai point oublié, dit-il, d’avoir des attentions pour Mme de Pompadour. Je sais que le roi m’en a su gré et qu’elle y a été sensible. » Peu de temps s’écoule, et il a déjà vu la maîtresse royale d’assez près pour porter sur elle un jugement plein de finesse. C’est une bourgeoise, elle n’a point d’appuis naturels à la cour où sa famille n’est pas reçue, ni à l’armée où elle ne compte pas de parens : elle est menacée à tout instant par les caprices du roi, ou par les accès de dévotion qui le reprennent assez souvent et la jettent dans de cruelles alarmes, bien que jusqu’ici elle en ait été quitte pour la peur. Ce sont là des conditions favorables et dont on peut profiter. « Il serait très fâcheux, dit-il, que le roi eût pour maîtresse une femme de condition, parce qu’elle serait obligée de s’en tenir au ministère de la guerre pour faire la fortune de ses parens, n’en ayant point d’autres pour les gens de condition dans ce pays-ci, que dans le militaire ; sa connexion avec ce ministre augmenterait nécessairement son crédit ; et comme un ministre de la guerre ne joue jamais un plus beau rôle qu’en temps de guerre, son crédit serait dangereux. Tant que Mme de Pompadour sera en place, je ne crains ni M. d’Argenson, ni aucun des gens de ce parti… Si Mme de Pompadour, dit-il encore, se mêlait des affaires, j’ai lieu de croire qu’elle ne me rendrait pas de mauvais services, elle a beaucoup de bonté et de confiance en moi. À Compiègne j’ai eu occasion, par l’état de ma maison que j’y ai tenue, de faire des politesses