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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/821

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été le plus grand et le meilleur exemplaire de la race humaine… Je n’ai garde d’oublier qu’un grand nombre de Juifs n’ont pas encore admis la grandeur de Jésus ; mais cette attitude s’explique par l’effet que font sur eux certains enseignemens touchant sa personne et par les persécutions que beaucoup de Juifs ont endurées et endurent encore de la part de ceux qui portent le nom du Christ. Quoi qu’il en soit, il y a dans ce nom et dans cette personne de Jésus, bien compris, une telle source de bénédictions et d’élévation morale que je ne puis concevoir de raison qui empêche les Juifs de le reconnaître pour le plus grand et le plus aimé de tous leurs plus illustres docteurs. »

Après d’aussi sincères hommages rendus par des fils d’Israël à la grandeur morale de Jésus et à la vertu salutaire de son Évangile, les ministres du christianisme ne pouvaient demeurer en reste de courtoisie et de tolérance. Mgr Ireland, le célèbre archevêque de Saint-Paul, dont les Parisiens ont eu, il y a trois ans, le privilège d’entendre la parole chrétienne et libérale, était allé, quelques jours avant, au congrès israélite témoigner sa sympathie à ce peuple si odieusement maltraité dans certains pays. Mgr Latas, archevêque de Zante, a tenu, au nom de l’église grecque orthodoxe, à démentir la légende, si souvent exploitée contre les Juifs, d’un enfant chrétien immolé en guise d’agneau pascal :

« Je demande au congrès, s’est écrié le généreux prélat, d’affirmer notre conviction que le judaïsme interdit toute espèce de meurtre ; qu’aucune des autorités ni des livres saints d’Israël n’autorise l’effusion, ni l’usage de sang humain dans les rites. La propagande d’une telle calomnie contre les adeptes d’une croyance monothéiste ne peut être considérée que comme une manœuvre anti-chrétienne. »

Ces paroles ont été couvertes d’applaudissemens, et il a été manifeste, à ce moment-là, qu’un pacte d’alliance était conclu entre les chefs des deux grandes religions fondées sur la Bible.


IV

Mais à quoi serviraient et ce pacte entre prélats et rabbins, et les visibles avances de plusieurs brahmanes et mages envers le christianisme, si les multiples sectes de la chrétienté restent hostiles ou divisées ?

C’est ce qu’ont bien compris les organes du christianisme à Chicago ; ils ont senti qu’en face des progrès de l’athéisme et de l’anarchie morale, en présence des attaques de la science incrédule et du socialisme révolutionnaire, il fallait serrer les rangs. Et, comme en vertu d’un accord tacite, ils se sont réunis sur deux bases