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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/823

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Mais, comment réaliser cette alliance philanthropique ? Deux moyens ont été proposés. M. Théodore Seward, professeur de musique à East-Orange, New-Jersey, reprenant une pensée du comte Zinzendorf, le restaurateur de l’unité des frères Moraves, a proposé la formation d’une Fraternité de l’unité chrétienne.

« On voudrait, disait la feuille d’enrôlement, unir tous ceux qui désirent servir Dieu et leurs semblables, sans distinction de credo, sous la seule inspiration de la vie et des préceptes de Jésus-Christ. On se propose de restaurer l’esprit et les méthodes du christianisme primitif, de substituer la coopération à la compétition dans les œuvres religieuses et de hâter l’ère de la fédération du monde. »

Cette motion obtint sur-le-champ (2 septembre) l’adhésion d’une vingtaine de délégués des Églises grecque, protestante et arménienne ; mais elle parut sans doute trop vague et trop étroite à la plupart des membres du congrès, car elle n’a rallié ni les catholiques, ni les israélites.

M. le pasteur Barrows a été plus heureux en proposant, le même jour, de nommer trois comités pour préparer une liste des cinquante meilleurs livres sur le christianisme. Le premier comité se composa du révérend F. A. Noble et des ministres protestans orthodoxes ; le deuxième eut pour président l’évêque Keane, assisté de quatre professeurs catholiques, et le troisième fut formé de délégués de toutes les associations religieuses libérales, sous la présidence du révérend Jenkin Lloyd Jones. Ces trois comités, après avoir travaillé à part, devaient se réunir pour dresser une liste commune de livres d’apologétique, d’histoire, et d’édification[1].

2o Mais les initiateurs du parlement des religions étaient trop convaincus de la valeur intrinsèque, de l’efficace du sentiment religieux pour se contenter de l’union seulement en vue d’une action morale ou philanthropique. N’était-ce pas faire une nouvelle édition de la Morale indépendante ? N’était-ce pas se priver d’un des plus grands ressorts de l’énergie morale : la prière ? Aussi ont-ils essayé de fonder l’union sur une base plus large et plus profonde ; sur ce qui fait l’essence même de toute religion, sur le culte en esprit, sur la révérence pour l’Etre infini « de qui nous tenons la vie, le mouvement et l’être ». Et cette adoration s’est manifestée sous les deux formes les plus idéales, les plus immatérielles, la prière muette ou l’Oraison dominicale et le chant d’hymnes communes.

  1. Cette idée est très praticable ; la librairie Marne a publié, en 1870, sous les auspices de Mgr Dupanloup, les Pensées morales et religieuses de Bacon, Kepler, Newton, Euler, quatre protestans illustres, et l’abbé Migne a admis les œuvres de plusieurs théologiens protestans dans ses Démonstrations évangéliques (Paris, 1842-1888).