Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

termine pas, selon l’usage, par une abside ; mais on y reconnaît cette estrade de pierre qu’on appelait le tribunal, et sur laquelle siégeaient les juges. Par une disposition singulière, l’abside est placée en face, sur le mur opposé au tribunal. C’est une grande niche ronde, qui a dû contenir quelque statue. N’était-ce pas celle de Trajan, le fondateur de la cité ? Il méritait bien d’occuper cette place d’honneur. Ce qui est sûr, c’est que tout autour, le long des murailles, et comme pour lui faire cortège, on avait placé les images des princes de sa maison.

En face de la basilique, sur le côté de l’ouest, se trouvent les monumens les plus curieux et les mieux conservés du Forum. C’est d’abord, au milieu, une grande base de trois mètres de long sur un mètre et demi de haut, qui est terminée, à ses extrémités, par deux pilastres simples, mais élégans. Ce que portait cette base, quand elle était intacte, nous le savons grâce à l’inscription gravée entre les deux pilastres, et qui s’est conservée : elle nous dit que deux femmes ont élevé à la Fortune Auguste une statue de 22 000 sesterces (4 400 fr.) pour exécuter la volonté de leur père, et qu’elles y ont ajouté de leur argent un petit édicule qui leur a coûté 4 500 sesterces (900 fr.). À la place où elle était, attirant les yeux de tous les côtés, cette statue, sur sa base de pierre et dans sa petite chapelle, semblait être le centre du Forum de Thamugadi. Au moment où elle fut dédiée, sous Hadrien, l’empire était parvenu à l’apogée de la gloire et de la grandeur. La ville nouvelle, en se mettant sous la protection de la Fortune Auguste, pensait bien qu’elle s’assurait une longue prospérité.

Les deux édifices qui flanquent des deux côtés le petit monument de la Fortune Auguste présentent beaucoup d’intérêt. À gauche, c’est une grande salle, précédée d’un vestibule auquel on monte par quatre marches ; deux belles colonnes cannelées se dressent à l’entrée. L’intérieur devait être d’une grande richesse ; de fines moulures décoraient le soubassement ; les murs étaient incrustés de marbres de diverses nuances ; il y en avait tant, qu’on put emporter un plein tombereau de débris, et qu’il en reste encore. La destination du monument a été révélée par une inscription qu’on a découverte près du fond de la salle, à la place d’honneur. Elle nous apprend qu’on y avait élevé une statue à la Concorde de l’ordre des décurions (Concordiæ ordinis) ; une pareille statue ne se comprend guère qu’à l’endroit où les décurions, — c’est-à-dire le conseil municipal, — se réunissaient pour délibérer : nulle part il ne convenait mieux de leur prêcher la concorde. C’était donc la curie ou, comme nous disons, l’hôtel de ville de Thamugadi ; et ce qui achève de le prouver, c’est