Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait que les Chinois sont les plus habiles et les plus soigneux des agriculteurs : ne laissant pas un pouce de terrain inutile, ils ont fait de la Chine entière un jardin propre et régulier, séparé en une multitude de propriétés. Quant à l’art chinois, il est resté dans l’enfance, et encore a-t-il décliné. Leur théâtre est méprisable ; ni leurs romans, ni leur poésie n’ont inspiré autre chose aux Européens qu’un faible intérêt de curiosité. M. Pearson leur a justement opposé, sous ce rapport, un peuple de race blanche, la Russie. En Europe, nous ne connaissons pas plus la langue russe que nous ne connaissons le chinois ; la Russie a été déprimée pour un temps par la conquête étrangère, puis absorbée par les difficultés politiques ; cependant la littérature russe, depuis Gogol et Lermontoff jusqu’à Tourguenef et Tolstoï, est en train de faire le tour du monde « en éditions à bon marché ». Voilà le contraste d’une race jeune et féconde avec une race vieille, impuissante pour tout ce qui dépasse un certain niveau.

Au point de vue métaphysique et religieux, la race jaune s’est montrée plus stérile que les autres. Point de grandes conceptions du monde et de la destinée humaine : les spéculations sur l’infini laissent froid le positivisme chinois. Si l’évolution religieuse n’a pas débuté autrement chez les jaunes que chez les nègres et les blancs, elle s’est vite terminée par un arrêt de développement. Le jaune est trop positif. Son utilitarisme religieux se montre dans deux coutumes curieuses : le moulin à prières, ce chef-d’œuvre de l’économie du temps, et la méthode perfectionnée pour faire des dons à un mort : on écrit sur un papier la liste des dons les plus généreux, puis on se borne à brûler le papier sur la tombe. C’est de la munificence à peu de frais. Si la civilisation chinoise couvrait le globe, il serait à craindre qu’elle ne remplaçât tout effort d’invention scientifique par quelque moulin à équations : ce serait le triomphe des procédés mécaniques et des recettes utilitaires.


III

Les races aujourd’hui inférieures peuvent être modifiées par deux moyens, l’un psychologique, l’autre physiologique : l’éducation et le croisement. L’éducation produit de très grands résultats, surtout après un certain nombre de générations, mais son influence a des limites qu’il ne faut pas méconnaître. Nous avons vu que les races inférieures et les races supérieures ont acquis chacune, par leur évolution en sens divers, des qualités et tendances fort différentes. Toutes les aptitudes qui se rapprochent des instincts de l’animal, la civilisation les a fait disparaître, et