Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Peu à peu se sont imposées les nécessités d’une existence moins mouvante. C’est dans des villages d’industrie pastorale et agricole que se fixe la vie plus sédentaire ; et c’est d’abord par parentés qu’ils se fondent ; car les lois de la famille et du clan conservent une autorité souveraine ; on continue d’observer les usages traditionnels que sanctionne la religion. Les habitudes plus fixes développent les besoins et les métiers d’une civilisation qui est devenue plus exigeante. Les corps d’état sont à leur tour enveloppés dans le réseau, soit que la communauté de village entraîne la communauté d’occupation, soit que les représentans dispersés d’une même profession dans des lieux assez voisins obéissent à une nécessité impérieuse en se modelant sur le seul type d’organisation usité autour d’eux.

Avec le temps deux faits se sont accusés : des mélanges plus ou moins avoués se sont produits entre les races ; les notions aryennes de pureté ont fait leur chemin dans cette population hybride et jusque dans les populations purement aborigènes. De là deux ordres de scrupules qui multiplient les sectionnemens, suivant l’impureté plus ou moins forte, soit de la descendance, sort des occupations. Si les principes anciens de la vie familiale se perpétuent, les facteurs de groupement se diversifient : fonction, religion, voisinage, d’autres encore, à côté du principe primitif de la consanguinité dont ils prennent plus ou moins le masque. Les groupes s’accroissent et s’entre-croisent. Sous la double action de leurs traditions propres et des idées qu’elles reçoivent de la civilisation aryenne, les tribus aborigènes elles-mêmes, au fur et à mesure qu’elles renoncent à une vie isolée et sauvage, accélèrent l’afflux des sectionnemens nouveaux. La caste existe dès lors. On voit comment elle s’est, dans ses diverses dégradations, substituée lentement au régime familial dont elle est l’héritière.

Un pouvoir politique eût pu subordonner ces organismes aux ressorts d’un système régulier. Nulle constitution politique ne se dégage. L’idée même n’en naît pas. Comment, s’en étonner ? La puissance sacerdotale n’y peut être favorable, puisqu’elle en serait compromise ; or son action est très forte et très soutenue. Elle paralyse même dans l’aristocratie militaire l’exercice du pouvoir. Le relief du pays ne constitue pas de noyaux naturels de concentration ; toute limite est ici flottante. La vie pastorale a longtemps maintenu un esprit de tradition sévère ; aucun goût vif de l’action ne l’entame. La population vaincue est nombreuse ; refoulée plus qu’absorbée, elle est envahie lentement par la propagande sacerdotale plutôt que soumise par une brusque conquête. Avec quelques tempéramens elle garde, là surtout où elle se cantonne et s’isole, beaucoup de son organisation