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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/414

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Seguïa-el-Hamra, que les cartes attribuent comme limite méridionale à l’empire chérifien ? L’Anglais, sommé d’avoir à évacuer son comptoir fondé dans un petit îlot, affirmait que le pays ne relevait en rien de l’autorité du sultan, et continuait comme de plus belle ses opérations commerciales. Sur ces entrefaites, un autre aventurier, sujet britannique également, encouragé par les succès de son compatriote, intriguait très ouvertement avec les Aï-Bou-Amrane, disait-on à la cour, pour fonder un autre comptoir similaire. Les Espagnols, de leur côté, ne cessaient de réclamer sur le rivage de la province du Sous la cession du port qui leur avait été octroyé dans le texte du traité de 1860, conclu à la suite de l’expédition de Tétouan.

Il semblait donc également important pour le prestige de Moulaï-el-Hassan de régler cette vieille querelle avec Sidi-el-Ho-çein en essayant de s’emparer de sa personne, et surtout de ses richesses que l’on disait immenses, butin admirable pour la cour, tout en affirmant par la même occasion la souveraineté chérifienne sur ces contrées, afin de couper court aux entreprises des étrangers. A peine rentré à Merâkech, Sa Majesté Chérifienne avait dépêché une petite colonne pour préparer dans le Sous et aux environs de Taroudant la venue des troupes. Aussi bien, depuis que Moulaï-el-Hassan était monté sur le trône, on s’attendait chaque année, dans le Tazeroualt, et jusque dans l’ouad Noun, à sa venue ; on le savait énergique et homme à ne pas oublier le passé. Dès que Sidi-el-Hoçein eut connaissance du projet du sultan, il s’empressa de faire transporter dans sa demeure, véritable citadelle inexpugnable, toute sa famille, ses trésors, en y accumulant des provisions considérables, pour s’y enfermer avec son armée d’esclaves.

Le départ de l’année impériale eut lieu au printemps de l’année 1882. Le gouvernement marocain avait eu soin de louer un bâtiment, — le vapeur français l’Amélie, — à une compagnie de Marseille. La contrée où l’on devait opérer était en effet singulièrement appauvrie par une épouvantable famine ; chacun devait aller au loin chercher des vivres, le bétail avait totalement succombé, les chevaux avaient été vendus ; et toutes ces tristes conditions, si elles étaient excellentes pour favoriser l’établissement du nouveau pouvoir, compliquaient d’autant la marche des années, que l’on ne pouvait faire vivre sur le pays. De grandes quantités de grains, tirées dans le nord de l’empire avaient donc été amassées dans les ports de la côte, puis embarquées à Mogador sur le vapeur nolisé à cet effet. L’expédition gagna assez facilement la petite ville d’Agadir, après avoir franchi les contreforts de l’Atlas et tout le