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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/488

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et dont ils pourraient se targuer avec plus de confiance que leurs adversaires, par cette bien pauvre raison que les principes ne sont plus à la mode, et qu’il faut redouter d’être qualifié de doctrinaire.

Les radicaux, il faut bien se résoudre à le leur dire et ils ne s’en blesseront probablement pas, sont avant tout des politiques : aussi ne se donnent-ils guère la peine de réfléchir aux conséquences économiques des solutions financières qu’ils préconisent. Ils restent fidèles à ce mot d’un célèbre avocat qui disait naguère : « Il n’y a pas de questions économiques, il n’y a que des questions politiques. »

Et le centre républicain enfin, où il y a tant de bonnes volontés et tant de talens, paraît, dans bien des circonstances, disposé, par une sorte d’affolement, à sacrifier le budget et la richesse publique ou privée à tous ceux qui offrent leurs concours prétendu désintéressé au gouvernement pour aider à étouffer sous des lois quelconques l’anarchie et la secte des assassins.

Afin de jeter un peu de clarté sur cette obscure session, il est nécessaire de bien dégager les principes financiers des socialistes ainsi que les principes de ceux des radicaux qui en ont, pour les opposer aux principes des républicains libéraux. Il faut rechercher ensuite comment les principes pour la plupart du temps contradictoires de la coalition des socialistes et des radicaux, ont pu agir néanmoins et ont agi en réalité sur des hommes politiques qui n’ont cependant aucune inclination pour les socialistes ni pour les radicaux ; qui sont de sentimens très modérés ; mais qui restent, et ils en sont fiers, comme s’il y avait sujet de l’être, dans ce qu’on pourrait appeler une indépendance ridicule de toute science financière. On dirait qu’il y a des hommes politiques dont l’ignorance en ces sortes de matières est voulue, et qui trouvent commode de ne point avoir d’idées, afin de se décider plus aisément en faveur des solutions les plus disparates, jouant ainsi à rouge ou noir, selon leur intérêt politique du moment, le budget et la fortune de la France.

Les socialistes croient posséder la véritable doctrine historique et la véritable doctrine économique.

Leur doctrine historique est celle de l’Évolution. Evolution est un mot très vide de sens quand on l’applique à la science financière, mais ils espèrent, par suite de la confusion qu’ils s’efforcent de faire naître — entre l’Évolution et le Progrès — séduire les radicaux qui en sont d’ailleurs très justement épris. Ce n’est cependant autre chose, dans le sens où ils l’entendent, que la très pauvre doctrine de la fatalité en histoire, doctrine fort connue, très vieille