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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/516

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non-seulement les revenus inférieurs à 12 000 francs ne sont pas frappés par la surtaxe, mais encore ils sont dégrevés pour partie de l’impôt ancien, non pas proportionnellement, mais au moyen du système gradué auquel on a donné le nom de dégressif. Enfin un droit en sus avec un tarif dont la progression est violente est ajouté aux droits existans sur les héritages fonciers.

Le budget de sir William Harcourt est donc une nouveauté en ce sens qu’il exempte des contribuables par catégories et qu’il prélève un droit de succession au moyen d’un tarif résolument progressif. La doctrine du chancelier de l’Echiquier sur le droit de l’État en matière de succession est littéralement celle que le père Tellier a exposée à Louis XIV : « Tous les biens de ses sujets sont au roi en propre, et quand il les prend, il ne prend que ce qui lui appartient. »

Pour bien établir que l’assimilation que nous faisons entre la doctrine du père Tellier et celle de sir William Harcourt n’est pas forcée, nous nous en référerons aux paroles mêmes du ministre (discours de sir William Harcourt du 16 avril 1894) :

« La nature ne donne à l’homme aucun droit sur ses biens terrestres au-delà du terme de sa vie.

« Le pouvoir attribué à la main d’un mort de disposer de ce qu’il possédait est une pure création de la loi.

« La taxe prend la part de l’Etat, et ce qui reste est divisé entre les autres personnes intéressées.

« Ce principe est si simple et si juste qu’il ne peut pas être discuté. »

Pris à partie par sir William Harcourt, qui prétendait avoir suivi l’exemple qu’il avait donné en 1889, M. Goschen, l’ancien chancelier de l’Échiquier du parti libéral, lui a cinglé une vigoureuse réplique : « Il est ridicule, lui a-t-il répondu, de se moquer des gens qui, en fait de taxation, en savent infiniment plus que l’orateur n’en a pu apprendre dans sa courte expérience des finances. Dans son budget il nous affirme qu’il a donné une nouvelle direction aux finances, et c’est chose curieuse que cette nouvelle direction coïncide avec la retraite de M. Gladstone, dont le bon sens, — car sir William Harcourt dit que c’est une simple question de bon sens, — ne l’a jamais porté à faire de propositions semblables. Le chancelier de l’Échiquier peut être le génie des finances de l’avenir destiné à déposer M. Gladstone et à le dépouiller de ce titre à son propre profit. » Et M. Goschen répète ces paroles prononcées jadis par M. Gladstone : « Je n’ai jamais été capable de découvrir de règle pour juger si une progression est maintenue dans des limites raisonnables. Il est clair qu’on