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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/524

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mémoire de tout le monde ; on en était obsédé comme nous l’avons été du souvenir des abominations de la Commune pendant les années qui ont suivi l’année 1871.

« Pour établir l’impôt progressif, il faut, dit-il, fixer des graduations, et là commence l’incertitude, l’arbitraire et tous les désordres qui en sont la suite. Quel sera le revenu exempt de la graduation ? Il doit nécessairement varier d’un département à l’autre, en raison de la fertilité du sol, des mœurs des habitans, de leur manière de vivre et de la quantité de monnaie. Dès lors les exceptions commencent. Que d’élémens divers il faut y faire entrer ! l’âge du contribuable, le nombre de ses enfans, son industrie. Dès que l’on a abandonné une règle simple et uniforme, l’on ne sait où se fixer ; les abus, les injustices s’introduisent de toutes parts. À la sévérité de la loi se joint encore la sévérité de ses agens, qui suivent l’impulsion qu’elle leur donne. »

Le rapporteur ne craint pas, en se rappelant ce qui s’était passé pour ainsi dire la veille du jour où il écrit, de faire remarquer à ses collègues que « les besoins de la république peuvent s’accroître ; la progression pourra être étendue ; un orateur véhément, jouissant d’une grande popularité, voulant l’accroître encore, se servirait de cette arme pour enlever à ce qu’il appellera des riches la presque totalité de leurs revenus. Il est si aisé dans un temps d’agitation d’entraîner la foule contre le petit nombre de ceux qui jouissent d’une fortune un peu élevée, qu’il est nécessaire qu’ils trouvent dans les lois la garantie de leur propriété et non le principe de leur ruine. »

Nous avons donc le droit de dire de l’impôt sur le revenu, tel que l’entendent nos adversaires, qu’il ne ressemble en rien aux impôts par lesquels nous voulons atteindre, sans ménagement d’ailleurs pour personne et avec les tarifs que l’équilibre réclame, le revenu imposable des citoyens.

Ce que veulent les radicaux socialistes, c’est un impôt de faveur pour leurs amis politiques, un impôt qui modifie la distribution de la richesse entre les Français et qui frappe une minorité négligeable parce qu’elle n’a pas le nombre pour elle.

Il faut niveler les fortunes et faire obstacle à l’accroissement du capital : tel doit être l’objet de l’impôt sur le revenu que les socialistes nous demandent de faire entrer dans le code de nos lois de finance, et que les radicaux, dont la tendance est de faire de la politique sans principes économiques, sont tout prêts à leur accorder.

Nous jugeons, au contraire, qu’il faut respecter la propriété de tout le monde et traiter avec justice tous les citoyens, même les