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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/652

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selon le mot d’un de ses membres, que « le vin c’est la bouteille à l’encre », a simplement jeté, par une loi platonique, l’anathème sur l’alcool et sur l’eau qui continueront de s’introduire à tour de rôle dans la boisson populaire des grandes villes. Ainsi le veut, sous le régime fiscal en vigueur, la concurrence commerciale sollicitée par la recherche du bon marché.


IV

Les viticulteurs se plaignent de cet état de choses, qui favorise l’entrée des vins espagnols, dont beaucoup ne sont pas aussi généreux qu’on le croit, mais que l’on alcoolise dans leur pays d’origine à moindres frais que les nôtres en France. L’appoint des crus étrangers, qui nous a été d’un grand secours pendant la période difficile dont nous sortons, est toutefois en décroissance notable. De 1867 à 1876, le montant de nos importations avait été seulement de 365 000 hectolitres. En 1877 nos achats augmentèrent : ils furent de 645 000 hectolitres. Ils sautèrent à 1600 000 hectolitres en 1878, puis montèrent à 7 millions en 1882 et enfin à 12 millions d’hectolitres en 1887, chiffre qu’ils atteignaient encore il y a trois ans. En 1892 les entrées tombaient au contraire à 9 millions d’hectolitres et ne dépassaient pas de beaucoup 5 millions en 1893.

Les vins d’Algérie figurent dans ce nombre pour 1 500 000 hectolitres. Ceux-ci sont peu alcooliques ; une ardente émulation, que l’on se plaisait à encourager dans la mère patrie, avait poussé nos colons africains à étendre chaque jour la superficie plantée en vignes. La crise dont on se plaint de ce côté-ci de la Méditerranée sévit là-bas, beaucoup plus intense, et l’on s’y désole plus encore que chez nous d’une désastreuse abondance ! Quant aux vins importés d’Espagne, ils n’excèdent guère 3 millions d’hectolitres. Ce n’est pas une inondation bien redoutable pour notre récolte nationale, évaluée l’année dernière à 50 millions.

L’afflux sur nos marchés de ces liquides de toute provenance, pendant les années de disette, n’avait pu empocher les prix de hausser, malgré la création à l’intérieur de nos frontières des vins à demi factices dont j’ai parlé. Il nous manquait encore plus de 8 millions d’hectolitres pour parfaire la consommation moyenne d’il y a vingt ans. Si bien que, la nature se plaisant à contrarier à la fois les calculs protectionnistes et les pronostics libre-échangistes, c’est depuis que l’on cesse d’introduire des vins étrangers que la baisse s’est produite en France.

Les difficultés actuelles seront passagères ; l’on s’en alarmerait