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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/702

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L'EMPEREUR GUILLAUME II
ET LE
PARTI CONSERVATEUR PRUSSIEN

L’empereur Guillaume II a prononcé le 6 septembre, à Kœnigsberg, un discours qui a été fort commenté dans toute l’Allemagne. S’adressant à la noblesse de la Prusse Orientale, il lui disait : « L’opposition que vous me faites quelquefois est un non-sens. La noblesse prussienne n’a de raison d’être que si elle a le roi à sa tête. Comme mon grand-père, je représente la dignité royale par la grâce de Dieu. » Il ajoutait : « Serrez-vous contre moi, comme le lierre contre le chêne qu’il entoure et qu’il protège. Donnez-vous en exemple à tous ceux dont le cœur hésite encore ! »

Les seigneurs et les gentilshommes qui ont entendu ce discours en ont été sûrement émus : l’empereur-roi sait trouver les paroles qui touchent et remuent les âmes. Mais si l’un d’eux avait eu l’audace de répondre à son souverain, il aurait dit sans doute : « Vous avez mille fois raison, et Votre Majesté ne nous apprend rien ; nous savons que nous ne sommes rien sans vous, et nous ne demandons pas mieux que de vous enlacer dans nos bras aussi étroitement que le lierre enlace le chêne. Nous sommes vos amis naturels, le seul parti qui puisse vraiment s’entendre avec vous, le seul qui vous soit lié par une véritable communauté d’idées et de sentimens, le seul qui vous considère comme un roi par la grâce de Dieu et prenne comme vous le droit divin au sérieux. Tous les autres se réservent le bénéfice d’inventaire ; l’attachement qu’ils vous portent n’est à leurs yeux que la récompense temporaire des services que vous leur rendez et des concessions que vous faites à leurs intérêts et à leurs idées. Ils ont tous eux-mêmes plus ou moins transigé avec la révolution. Si en apparence ils se sont amendés, leur sagesse d’un jour est la vertu de révolutionnaires