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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/733

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Brunswick) est qu’il tâche de disposer Sa Majesté Prussienne à se prêter aux vues patriotiques de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, pour la conservation de la paix en Allemagne et de la porter à donner une promesse formelle qu’Elle n’entreprendra rien ni directement, ni indirectement contre les États de Sa Majesté Britannique dans l’Empire, et qu’Elle ne prêtera aucun secours à la France dans le dessein qu’elle pourrait avoir contre Sa Majesté Britannique en Allemagne, et que pareillement Elle ne s’opposera pas aux mesures défensives que Sa Majesté se verrait obligée de prendre au cas d’une telle invasion et même qu’Elle préviendrait et empêcherait la France d’entreprendre rien de pareil. La réciprocité à accorder à Sa Majesté Prussienne serait facile à trouver[1]. »

Tout était à remarquer dans ce petit factum rédigé avec adresse et qui touchait Frédéric aux deux points qu’on savait lui être le plus sensibles. C’était d’abord un appel fait à ses sentimens de patriotisme germanique dont il devait rechercher d’autant plus la popularité qu’on lui reprochait d’en avoir donné peu de preuves dans la guerre précédente ; puis, la menace d’une inondation d’étrangers, dont on n’avait pas besoin de lui dire le nom, et qui ne pourraient entrer en Allemagne qu’en passant par son territoire. De plus, en commençant par lui demander seulement de ne pas s’associer aux mauvais desseins de la France, on finissait, moyennant une gradation d’idées habilement ménagée, par le presser formellement de s’y opposer lui-même. Enfin, les derniers mots, sous la forme d’une promesse de réciprocité, contenaient l’offre d’une véritable alliance à conclure moyennant échange d’avantages et de garanties mutuels.

Succédant à la mauvaise humeur de la veille, l’avance était forte, et c’était beaucoup offrir et beaucoup demander du premier coup. Frédéric jugea que c’était trop et que tant de distance ne pouvait être franchie en un jour et d’un seul pas. Sans doute, un rapprochement avec l’Angleterre était ce qu’il avait toujours désiré, mais il en attendait la proposition depuis trop longtemps pour y prendre tout de suite confiance. Trop de doute planait encore sur la durée des meilleurs sentimens auxquels son oncle paraissait revenu, et sur la nature des relations encore subsistantes entre l’Angleterre et l’Autriche dont le refroidissement, bien que visible, n’avait pas encore le caractère d’une rupture officielle et définitive. La querelle entre ces deux anciens alliés, s’il y en avait une, était-elle sérieuse ? L’habitude d’une vieille intimité ne

  1. Pol. Corr., t. XI, p. 232.