hasarder ces insinuations au ministre anglais en forme de bon conseil qu’Elle lui donnait[1]. »
Tout ce manège, dont ceux mêmes qui en avaient la confidence n’étaient pas dupes, ne pouvait échapper à l’œil soupçonneux d’un observateur attentif qui était présent et naturellement en éveil. Ce n’était autre que le ministre autrichien à Londres, le comte Colloredo, qui, très contrarié de la mésintelligence survenue malgré lui et contrairement à tous ses désirs entre sa cour et celle de Londres, était venu tout exprès à Hanovre, à la suite du roi, afin d’en suivre et d’en atténuer s’il était encore possible les conséquences. Pour s’apercevoir que quelque chose se tramait à son insu, il lui aurait suffi de l’attitude embarrassée et énigmatique du ministre hanovrien, qui jusque-là s’était montré en toute circonstance dévoué à la politique autrichienne. Mais ce qui acheva de le mettre en garde, ce fut la remarque qu’il fit qu’à son arrivée tout te monde à Hanovre paraissait en proie à une vive inquiétude, comme si on eût été à la veille d’une invasion imminente. Depuis l’arrivée du duc de Brunswick, au contraire, et surtout à la suite des entretiens de la duchesse, propre sœur du roi de Prusse, ce trouble avait fait place à une sécurité parfaite, dont l’expression se peignait sur tous les visages. Naturellement, c’étaient là autant d’indices dont il ne pouvait manquer de donner avis à sa cour, en ajoutant que, d’après l’accueil fait à des voyageurs qui passaient pour amis de Frédéric et qui étaient jusque-là assez mal accueillis, il ne pouvait méconnaître qu’on était disposé à cajoler et à caresser tout ce qui venait de Berlin[2].
Quand ces avertissemens d’une nature peu rassurante arrivèrent à Vienne, tout dans l’entourage impérial était déjà en émoi. La simple indication d’une entente possible entre la Prusse et l’Angleterre, — bien que faite, on l’a vu, dans la dernière communication anglaise en termes encore assez vagues, — avait suffi pour jeter la confusion dans tous les esprits. Conférences sur conférences se succédaient pour déterminer l’attitude à prendre en face de cette réconciliation suspecte entre un ami et un ennemi de la veille. A première vue, il semblait que les intentions pacifiques prêtées au roi de Prusse devant enlever à l’Autriche tout sujet d’inquiétude en Allemagne, lui laissaient par là la libre disposition de ses troupes, et lui permettaient d’envoyer dans les Pays-Bas, sans péril pour elle-même, le contingent réclamé par l’Angleterre. C’était l’avis que développait le ministre anglais Keith