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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/851

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propre chapelle. La nomination n’alla pas sans difficultés : elle contrevenait à certains règlemens établis par le pape lui-même touchant le recrutement des chanteurs. Les futurs collègues de Palestrina s’en émurent et protestèrent à l’avance. Le pape tint bon, dérogea par bref spécial aux règlemens en question, et le 13 janvier 1555, en dépit de la compagnie et peut-être un peu en dépit de lui-même, car il aimait sa basilique vaticane, Palestrina fut agrégé d’office à la corporation des chanteurs pontificaux.

Il n’y demeura que six mois. Jules III étant mort, Marcel II le remplaça ; pour peu de temps, car il mourut lui-même après un règne de trois semaines. A Marcel II succéda Paul IV le réformateur, Paul IV le terrible. Dès les premiers jours de son avènement, au commencement de juillet 1555, le nouveau pontife appela devant lui les députés du collège des chapelains chanteurs apostoliques, et leur demanda si tout se passait en leur chapelle selon les règles des charges et offices de la cour romaine, fixées par le cinquième concile œcuménique de Latran[1]. Les députés répondirent affirmativement. Le pape alors leur rappela certaine constitution de Léon X, laquelle enjoignait aux chanteurs, sous les peines les plus sévères, « de vivre avec la modestie et selon la scrupuleuse moralité qui conviennent à de bons prêtres. » N’avait-il pas appris cependant que plusieurs d’entre eux non seulement n’étaient pas prêtres, mais pas même clercs ! Les députés convinrent que trois d’entre eux en effet étaient mariés : Leonardo Baré, Domenico Ferrabosco et Giovanni Pierluigi. Mais tous trois n’en avaient pas moins été nommés expressément par les précédens pontifes. A quoi Paul IV répliqua que ses prédécesseurs avaient fait à leur guise, et qu’il ferait, lui, à la sienne. Il dénonça le relâchement de la discipline et insista sur la nécessité de la restaurer. En vain les députés opposèrent respectueusement les droits acquis et l’inamovibilité reconnue, hors les cas d’indignité, aux chanteurs apostoliques ; le pape les congédia, leur donnant avec sa bénédiction l’assurance qu’il allait tout régler pour le bien de tous. Et le 30 juillet, un bref pontifical, sévèrement motivé, destituait de leur charge le marié Palestrina et ses deux collègues, leur laissant en guise de compensation, ou de consolation, une pension de six écus d’or par mois.

Le coup fut sensible à Palestrina. « Tous les soucis, dit-il dans une de ses dédicaces, tous les soucis sont ennemis des Muses, mais ceux-là surtout que nous apportent les nécessités domestiques. » Il les connut alors. Heureusement, le 1er octobre 1555,

  1. Baini.