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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/859

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la campagne romaine, et dans l’atmosphère immobile les ondes sonores s’étendaient lentement. Les grands bœufs gris passaient la tête au travers des barrières qui bordent le chemin. Les pèlerins approchaient de la ville, et sous la terre sacrée qu’ils foulaient, les morts des catacombes, éveillés par les psalmodies nouvelles, y répondaient du fond de leurs tombeaux.

En 1580 Palestrina devint veuf ; en 1581, âgé de plus de cinquante ans, il se remaria. Ni saint Paulin de Nole ni Animuccia n’auraient sans doute agi ainsi. Désormais la chronologie de sa vie, établie par le Dr Haberl[1], ne relate plus guère autre chose que les dates de ses innombrables ouvrages : messes, motets, lamentations, madrigaux, hymnes à la Vierge, Cantique des Cantiques ; de temps en temps, entre deux publications, mention est faite de l’achat d’un petit vignoble ou d’un verger d’oliviers.

Enfin, le 26 janvier 1594, atteint d’une pleurésie, Palestrina se mit au lit. Il reçut la communion et l’extrême-onction des mains de saint Philippe, avec lequel il s’entretint pendant ses derniers jours. Le 2 février au matin, écrit le biographe déjà cité de saint Philippe, jour de la fête de la Purification de la Vierge, Palestrina se souvint non sans douceur qu’il avait, peu de temps auparavant, mis en musique les hymnes de Marie. « Cette pensée accroît sa ferveur et son espérance. Alors saint Philippe, s’apercevant de ses bonnes dispositions et les excitant davantage, dit à son cher fils spirituel, avec cet air amoureux de Dieu qui lui était ordinaire : « Voudrais-tu aller jouir aujourd’hui de la fête qui se fera dans le ciel en honneur de la reine des anges et des saints ? » Palestrina, qui était très pieux et avait tant de fois par la douce puissance de sa musique honoré la grande mère de Dieu, se sentit tout ému à cette invitation. Alors il recueille son dernier souffle et répond : « Oui, je le désire ardemment ; puisse Marie, mon avocate, me l’obtenir de son divin fils ! » A peine Palestrina eut-il proféré ces paroles, que très présent à lui-même, tranquille et plein de confiance dans la miséricorde du Seigneur, il rend paisiblement son âme à Dieu, et vole, comme on aime à l’espérer, par l’intercession de la Vierge Marie et par les prières de son saint confesseur Philippe, au lieu où l’on chantera éternellement. »

  1. Habel-Jahrbuch 1894.