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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/15

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Il proposa, en premier lieu, à la Porte, de bien fixer la valeur des stipulations sur lesquelles nous fondions nos prétentions, c’est-à-dire du traité de 1740, sans exiger aucun autre engagement ; il lui offrit, d’autre part, de soumettre ensuite ces mêmes prétentions à un examen contradictoire, ce qui, selon lui, comporterait des tempéramens, des transactions qui permettraient de combiner paisiblement une solution satisfaisante pour tous les intéressés. Ce soin serait confié à une commission composée de quatre membres, dont deux seraient désignés par le gouvernement ottoman et les deux autres par l’ambassade. Dans la pensée de témoigner de ses dispositions conciliantes, de son respect pour tous les droits, y compris ceux de la possession, en vue aussi d’entraîner les Grecs dans un arrangement et de désarmer la Russie, il suggéra lui-même à la Porte de se faire représenter dans la commission, par un sujet chrétien notoirement connu par son dévouement et ses attaches à l’Église orthodoxe. Séduit par les avantages de cette combinaison, le gouvernement du sultan y accéda et il fit choix, pour ses délégués, du secrétaire général du ministère des affaires étrangères et de M. Aristarchi, logothète[1] du Patriarcat grec de Constantinople. Les négociations s’ouvrirent aussitôt et suivirent un cours régulier.

Instruit de ces arrangemens préliminaires, notre gouvernement ne s’en montra pas absolument satisfait. La nomination de M. Aristarchi lui causa quelque surprise et le rendit défiant. « Il me semble, disait le ministre des affaires étrangères dans une dépêche du 18 juillet, que dans sa position, quels que puissent être son esprit d’équité et ses lumières, il est le représentant forcé de nos adversaires, et qu’alors même qu’il trouverait nos répétitions parfaitement fondées, il n’aurait pas la possibilité de les admettre. » Ne pouvant méconnaître, cependant, que nous étions placés, dans cette question, entre un échec retentissant et les plus graves complications, le ministre ajoutait : « Au surplus, l’ensemble de cette affaire présente trop de difficultés pour qu’il y ait lieu de s’étonner que vous ayez eu à racheter, par une pareille concession, l’avantage de la faire avancer d’un pas. »

Je n’ai pas entrepris d’écrire l’histoire de la question des lieux saints, j’ai seulement voulu indiquer comment elle fut engagée et je me bornerai à ajouter comment elle fut résolue, sous mes yeux, au milieu des plus anxieuses émotions. La négociation, semée d’aspérités de toute sorte, née de l’esprit religieux, traversa les phases les plus diverses, tantôt à la veille d’aboutir, tantôt à la veille de créer un redoutable conflit. M. de La

  1. Chancelier ou fondé de pouvoirs.