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le plus tyran nique des gouvernemens ; il est hors de doute qu’il voulait profiter du moment où nous étions dans le cœur de l’Allemagne pour nous assassiner. » Entourée d’un côté par l’empereur, de l’autre par la République lombarde, Venise tombera du côté de cette République. Enfin l’empereur est lié à la France, et la République, tenant la balance entre lui et le roi de Prusse, devient l’arbitre de l’Allemagne. Bonaparte termine par cet argument sans réplique ; la menace de sa démission, et la menace, plus effrayante encore, d’un retour en France et d’une candidature politique : « Je vous demande du repos… ayant acquis plus de gloire qu’il n’en faut pour être heureux… Ma carrière civile sera comme ma carrière militaire, une et simple… »

Cette lettre était écrite, lorsqu’il apprit qu’une insurrection avait éclaté à Vérone, le 17 : c’est l’horrible massacre de Français et de partisans de la France, qui a mérité, sous le nom de Pâques véronaises, d’être associé au souvenir des Vêpres siciliennes. D’autre part, Gallo insinue que l’empereur, environnant la ville de Venise, sera conduit ; à désirer de la prendre et à s’étendre sur la terre ferme ; que pour y parvenir, il consentirait à une extension de la France en Allemagne, qu’il ne refuserait pas au besoin de s’y arrondir lui-même : la France, pourrait, comme Bonaparte l’avait bien prévu, remettre sur le tapis la question de la rive gauche du Rhin, et interpréter la clause de l’intégrité de l’Empire comme la Prusse, l’Autriche et la Russie avaient interprété leurs innombrables garanties de l’intégrité de la Pologne. « Les préliminaires, écrit-il au Directoire le 22 avril, seront susceptibles, à la paix définitive, de toutes les modifications que vous pourrez désirer… Les États de Venise vont se trouver à notre disposition… Tous les jours, j’ai de nouvelles raisons de plaintes ; je vais donc chasser toutes les troupes vénitiennes, mettre ces messieurs à la raison et y nourrir mon armée… Moyennant ces précautions, je pense que nous obtiendrons : 1° les limites du Rhin ou à peu près ; 2° la République lombarde accrue du Modénais, du Bolonais, du Ferrarais et de la Romagne. » La paix publiée en France, l’étal de guerre continuant en Italie et en Allemagne, la limite du Rhin et le bouleversement de l’Allemagne en perspective, l’Italie révolutionnée en partie, une autre Batavie organisée dans le Milanais, objet constant de l’ambition des rois de France ; Venise, ses trésors, ses musées, ses arsenaux maritimes à exploiter ; des navires et de l’argent, ce dont on manquait le plus ; par-dessus tout, le retour de Bonaparte indéfiniment ajourné, c’était plus qu’il n’en fallait pour décider le Directoire à ratifier les préliminaires. Ce fut le