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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/337

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de bassin, de douve malpropre, où se jette un ruisseau d’eau noire : il procure un revenu net de 24 000 francs par an. Cette eau, provenant des forges où elle se charge d’oxyde de fer, allait il y a quelques années se perdre directement dans la rivière voisine. Il a suffi de construire ce trou bétonné, qu’elle traverse en s’y reposant, pour capter gratis une quantité rémunératrice d’oxyde.


IV

L’usine de Jœuf, d’un rendement annuel de 150 000 tonnes, est située en Meurthe-et-Moselle, à quelques pas de la frontière allemande. Elle appartient à ce groupe d’Hayange, dont une partie malheureusement a cessé en 1871, par le traité de Francfort, d’appartenir à notre pays, et que j’ai pris pour point de départ de cette étude parce qu’il est le plus important de toute l’Europe, non pas tant par les 13 000 ouvriers qu’il occupe que par Ténor-mité de sa production. Son contingent représente à lui seul 500 000 tonnes de fonte, c’est-à-dire une quantité égale au quart de toutes les usines françaises réunies.

Les directeurs-gérans de cette association, MM. Henri et Robert de Wendel, — ce dernier vice-président, avec M. Henri Schneider, du Comité des forges de France, — offrent aussi cette particularité d’être les doyens des métallurgistes français. Ce fut en 1705 qu’un Wendel, gentilhomme lorrain, leur ancêtre direct, se rendit acquéreur d’Hayange. Depuis près de deux siècles, ses descendans y font du fer. Ignace de Wendel, commissaire des manufactures et capitaine d’artillerie, contribuait aussi en 1789 à la création de la fonderie royale du Creusot. François de Wendel, son fils, enseigne de vaisseau à la fin de l’ancien régime, se trouva revenir d’émigration en 1808, avec 30 louis pour toute fortune, juste au moment où l’industriel qui avait acheté nationalement son usine durant la période révolutionnaire, venait de tomber en faillite. Rentré, moyennant une somme de 30 000 francs que lui avancèrent des amis, dans le domaine patrimonial, il entreprit, pour le gouvernement de Napoléon, la fabrication du matériel de guerre. Dans les mêmes salles où l’on étame aujourd’hui pacifiquement du fer-blanc pour les boîtes de conserves alimentaires, là où s’agitent, silencieuses, des ouvrières semblables aux femmes d’Orient, la tête enveloppée tout entière de linges blancs qui ne laissent apercevoir que leurs yeux, — précaution indispensable dans leur métier, — on travailla sans relâche jusqu’à 1814 à fournir les armées de l’Empire d’essieux et de boulets.