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colonies d’étudians pour l’action morale et philanthropique sur la classe ouvrière.

Mme Ward n’était pas restée étrangère à ce mouvement. On se souvient que Robert Elsmere, à peine arrivé à Londres, s’associe à un clergyman et à un disciple orthodoxe d’Auguste Comte pour évangéliser les ouvriers d’Elgood Street ; mais dès le début il fraie une voie nouvelle, il entend sa tâche « d’une façon différente de la religion anglicane et de la philanthropie anglaise ». L’idéal d’une église de l’avenir, ce rêve d’Elsmere, ne devait pas tarder, dans un milieu aussi enclin à l’action, à devenir une réalité. Dès le mois de février 1890, dix-huit mois après l’apparition de son premier roman, quelques amis de Mme Ward, le comte de Carlisle et la comtesse Russel, miss F. Power Cobbe, les professeurs Martineau et Carpenter, le prédicateur Stopford Brooks, etc., se groupaient autour d’elle pour fonder dans le quartier centre-ouest de Londres une institution populaire sous le nom de University Hall. La société ne disposait au début que d’un capital de 28 000 francs ; mais elle obtint un chiffre de souscription annuelle d’environ 20 000 francs, garanti pour trois années. Avec ces modiques ressources, on loua à Gordon Square une maison avec une salle de conférences et une vingtaine de chambres pour loger des « membres résidans » comme à Toynbee Hall, avec cette différence qu’elles ne seraient pas exclusivement réservées à des universitaires. Cette salle fut inaugurée le 29 novembre 1890, et à cette occasion Mm" Ward, qui s’intitulait modestement secrétaire de l’œuvre, précisa dans un discours l’objet du nouveau settlement :

« Nous essaierons avec sérieux et humilité de présenter au peuple ces deux grands résultats de l’investigation philosophique et religieuse depuis une centaine d’années : une théodicée plus riche et plus complète et une conception nouvelle du christianisme, et puis, nous tâcherons de les adapter aux besoins de la vie pratique et sociale. Nous savons certes qu’une œuvre semblable a été entreprise ; dans cent endroits divers par l’Eglise anglicane elle-même et par plusieurs Eglises libres d’Angleterre et d’Amérique. Le cachet spécial dont nous voudrions marquer la nôtre, c’est la combinaison de la pensée spéculative avec la vie active et avec l’éducation du peuple. »

En même temps, le comité ouvrait à Marchmont Street, à dix minutes de Gordon Square, un autre local pour servir à l’œuvre dite de « régénération sociale ». On y organisait des clubs séparés de femmes, de jeunes filles, de garçons ; une école du dimanche, des concerts populaires et des exercices de