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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/787

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à son développement. Ce fut alors que l’on commença à s’occuper beaucoup de tranchées-abris et qu’on prétendit transformer la moindre colline en forteresse imprenable ; ce fut alors également qu’on préconisa l’usage du tir atonies les distances, l’utilisation exclusive de la grande portée de l’arme. Tir aux grandes distances et tranchées-abris, telles furent les deux premières idées qu’éveilla l’apparition des armes nouvelles dans le cerveau des tacticiens français, qui sommeillaient depuis si longtemps. On se doute du bouleversement que ce fut pour les simples exécutans qui jusqu’alors n’avaient jamais rêvé qu’offensive et assaut, dont l’imagination avait été nourrie du récit des charges à la baïonnette de leurs devanciers. Ils se trouvèrent tout désemparés, et cet extrême désarroi fut une des causes principales de ces hésitations, de ce décousu, dont les premières batailles de 1870 nous offrent le lamentable tableau.

Le triomphe des Allemands en 1870 ne fut pas seulement celui du haut commandement et de la stratégie, ce fut encore et surtout un triomphe tactique. Ce fut à l’écrasante supériorité de leurs procédés de combat que furent dus et la prodigieuse grandeur de leurs succès et leur succession presque ininterrompue de Forbach à Héricourt. En face de leurs bandes de tirailleurs, et de la multitude des petites colonnes qui les soutenaient, nos lignes flottaient, nos colonnes hésitaient ; les esprits, ébranlés par les pertes considérables que nos formations surannées occasionnaient aux troupes, tiraillés entre la nouvelle doctrine de la défensive et le vieux levain de la tradition d’offensive à tout prix, se troublèrent et se renfermèrent dans une désastreuse passivité. La bravoure individuelle put jusqu’à un certain point contrebalancer l’infériorité tactique dans les premiers engagemens de l’armée de Metz : il ne fut plus de même avec les armées improvisées de la Défense nationale.

L’offensive à outrance des Allemands, poursuivie par compagnie distincte, par petites unités compactes, bien groupées dans la main de leur chef et qui transformait les batailles en une succession de petits engagemens isolés, réussit admirablement dans toute la deuxième partie de la guerre. Ce mode de combat se trouva exceptionnellement approprié aux circonstances ; il triompha aisément des masses mal organisées, peu disciplinées, mal armées, que nous avions mises sur pied.

La campagne de 1870 s’acheva donc en Allemagne, plus encore que celle de 1866, par l’apothéose de la colonne de compagnie, du combat par compagnie, du commandant de compagnie. Le mouvement en faveur du combat par bandes de tirailleurs et