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Voilà l’instrument du combat, il est des plus simples ; son fonctionnement ne l’est pas moins.

Les tirailleurs gagnent en avant — comme ils peuvent — le pied du glacis de la position, et écrasent la défense d’un feu ajusté aussi violent que possible. C’est la préparation. Lorsque celle-ci est suffisante, les petites colonnes débouchent à la fois de leurs abris. Elles s’avancent d’un pas rapide, mais ferme et régulier, pour traverser l’espace qui les sépare de la chaîne. Les plus rapprochées rejoignent les tirailleurs, les dépassent, les entraînent dans leur mouvement en avant ; les plus éloignées précipitent l’allure et se joignent au mouvement, qui devient de plus en plus rapide jusqu’au moment où tous ensemble, tirailleurs et colonnes, se précipitent sur l’adversaire.

A partir de l’instant où les colonnes sont lancées en avant, plus d’arrêts.

Jeter des tirailleurs sur le glacis de la position battue par des feux rapprochés, pour leur faire exécuter des bonds successifs, est dangereux et funeste ; lancer des colonnes pour les arrêter à mi-chemin de la position ennemie, serait plus dangereux et plus funeste encore. A quelque distance que l’assaut soit commencé, il doit être mené jusqu’au bout. Ces distances sont, d’ailleurs, très variables ; elles dépendent exclusivement de la largeur du glacis et de la nature du terrain.

S’arrêter une fois lancé en avant, c’est précisément subir la loi de la défense, faire volontairement ce qu’elle veut obtenir de force ; c’est renforcer son moral au moment même où l’on veut produire sur elle une impression irrésistible de découragement.

S’arrêter, c’est s’infliger des pertes énormes et inutiles, puisqu’on veut reprendre l’assaut quelques minutes plus tard ; c’est risquer surtout de ne plus pouvoir se remettre en marche.

Une fois le glacis de la position abordé, il sera franchi d’un seul coup, ou il ne le sera pas. Tout assaut arrêté est un assaut manqué. La troupe qui l’a tenté ne peut le reprendre avec ses propres forces : il lui faut des renforts ; c’est une action nouvelle à engager avec des troupes fraîches contre un ennemi soutenu cette fois par le sentiment d’un premier succès.


XII

Le combat de l’infanterie nous apparaît donc maintenant sous une forme très nette et très simple.

Plus de formation normale de combat, plus de fonctionnement compliqué d’un mécanisme ingénieusement délicat ; plus d’échelonnement multiple, de marches en échelons, de bonds