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dupes des mois, qui tiennent à remonter aux sources, aux faits et aux textes, qui sachent mesurer, sans s’en effrayer, la difficulté des problèmes et en étudier l’une après l’autre toutes les données.

Malgré la séduction de ces exemples, on se souvient ici que notre vraie fonction, celle qui justifie les sacrifices auxquels consentent pour nous les pouvoirs publics, c’est de fournir aux établissemens de l’Etat des professeurs qui y maintiennent le niveau des études et qui travaillent encore à l’élever. Nous n’encourageons donc pas des infidélités qui, en se multipliant, risqueraient d’appauvrir le corps enseignant, qu’elles priveraient de forces et de mérites dont il aurait l’emploi ; mais nous croyons que ces infidélités deviendront de plus en plus rares, maintenant que les esprits les plus libres peuvent, sans rien abdiquer de leur indépendance, garder leur place dans l’Université, sous la seule condition d’avoir un juste sentiment du devoir professionnel et du respect dû à l’âme de l’enfant et de l’adolescent. Nous n’oublions d’ailleurs pas que ceux qui nous ont quittés ne l’ont pas toujours fait volontairement, et, quelque raison d’ailleurs que chacun d’eux ait eue de sortir du rang, nous ne nous croyons pas forcés d’exprimer à ce propos des regrets qui ne seraient pas sincères. Cette église du dehors, ces normaliens en rupture de ban, comme on les a appelés par façon de raillerie, les Weiss et les Prevost-Paradol, les About et les Taine, sont peut-être ceux des enfans de l’Ecole qui ont le plus contribué à populariser son nom, à donner au grand public quelque idée ou tout au moins quelque soupçon de la valeur et de la vertu des leçons que l’on y reçoit. Qui de nous a su se défendre d’un mouvement d’orgueil et ne s’est pas senti comme grandi de quelques coudées quand, il y a quelques mois, les deux chambres du Parlement étaient présidées par deux des nôtres, MM. Challemel-Lacour et Burdeau ? Un coup subit nous a refusé la joie de les voir prendre tous deux, ensemble, part à nos fêtes. Burdeau, dans sa carrière si courte et si remplie, a plus parlé, en chaire et à la tribune il a plus agi qu’il n’a eu le temps d’écrire. Il ne nous laisse pas de livre qui le représente : ce qui restera de lui, dans la mémoire de ses maîtres, de ses camarades et de ses élèves, c’est le souvenir d’une noble vie, que, même avec ses tristesses et sa fin prématurée, nous ne craindrons pas de proposer en exemple à nos jeunes promotions.

Au terme de cette revue, on nous demandera peut-être une prédiction ; mais nous ne prétendons pas au rôle de prophète. Il semble pourtant que l’avenir, au moins pour un longtemps, nous réponde du passé. L’Ecole s’est toujours recrutée, pour une