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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/188

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nouvelle, tous les médecins distingués de l’époque, — Forestus, Mercatus, Bœtrel, Sennert, Salius Diversus, Zacutus Lusitanus, Vilalba, — lui consacrèrent simultanément leurs soins professionnels et leurs talens de lettrés, si bien que nous avons le droit d’affirmer qu’il n’est peut-être pas d’épidémie plus et mieux décrite que cette première invasion grippale. On la baptisa catarrhe épidémique, fièvre catarrhale épidémique. Ce n’est qu’en 1743 que la verve des Parisiens la stigmatise du nom de grippe, mot vulgaire, mais imagé, esquissant en deux syllabes l’anxieuse et typique physionomie du patient. Vers le même temps, les Italiens, frappés surtout du nombre incalculable des personnes qui subissaient, dans chaque manifestation et à des degrés divers, l’influence du catarrhe épidémique, le désignaient par ce caractère même, en le qualifiant d’influenza : c’est-à-dire l’influence au suprême degré. D’Italie, le mot ne tarda pas à faire fortune en Allemagne, et c’est de là que nous le voyons se propager dans les autres pays, à la suite de la publication de Monro, chirurgien en chef de l’armée anglaise, sur la Fièvre catarrhale qui a été épidémique durant le mois d’avril 1762, et qu’on a aussi appelée Influenza. Mais le nom de grippe prévalut en France dans l’esprit sceptique et frondeur du XVIIIe siècle. Notre fin de siècle, plus impressionniste, paraît avoir définitivement consacré, par la dénomination italienne, cet étonnant renouveau du catarrhe épidémique, dont un règne de cinq ans n’a pas encore épuisé la virulence pathogène.

L’épidémie de 1580 s’étendit à l’Europe entière et parcourut ensuite successivement l’Asie et l’Afrique. La quasi-simultanéité des publications médicales qu’elle provoqua dans toutes les contrées, ne permet guère de déterminer le point précis de son origine. Si l’on en juge toutefois par sa marche ultérieure et par l’importance des travaux qu’elle suscita en Allemagne, il y a grandement lieu de supposer que c’est dans ce pays même qu’elle débuta, après avoir très vraisemblablement franchi les frontières de la Russie, où elle a constamment semblé préparer, dans le silence de l’éloignement, ses plus violentes invasions. Alors, comme aujourd’hui, elle se montra tout spécialement meurtrière pour les vieillards, les valétudinaires, et les infirmes.

Les retours agressifs de l’influenza furent très nombreux dans le cours du XVIIe siècle. Mais ils eurent cette particularité d’affecter la forme endémo-épidémique, se cantonnant à peu près exclusivement dans le centre de l’Europe. Ce n’était, en quelque sorte, que la continuation, par poussées successives et disséminées, de la première grande apparition. L’Allemagne surtout eut à subir