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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/447

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pour diriger la vente des gemmes du baron de Stosch. Il était devenu célèbre dans Rome par ses belles manières qui n’excluaient pas l’habileté ; se montrant libéral aux artistes, ami des connaisseurs et dédaigneux du vulgaire ; épris des beaux objets venus en sa possession, désespéré s’il s’agissait de s’en défaire, offrant avec larmes de les reprendre après les avoir cédés et vendant toujours plus cher à mesure qu’il se désolait davantage. Il disposait de sommes considérables. C’est à lui qu’échut, en 1786, avec les derniers trésors d’art qu’elle contenait, la villa Montalto, fondée par Sixte-Quint lorsqu’il n’était encore que le cardinal Peretti de Montalto, aux lieux où l’antiquité avait connu les magnifiques jardins de Mécène, ornés de tant de marbres et de sculptures. On a vu disparaître les derniers restes de cette célèbre villa Montalto, puis Negroni, puis Massimo, il y a quelques années seulement, pour faire place à la gare centrale et du palais construit par les Pères Jésuites pour leur habitation et leur collège après leur expulsion de leur vaste et somptueux palais du Collège romain. Jenkins avait eu aussi les dernières dépouilles de la célèbre villa d’Esté à Tivoli, aussi bien que celles de la villa Mattei en 1778. — Par malheur ce galant homme ne s’abstenait pas de faire fabriquer des camées et des intailles qu’il cachait soigneusement dans les ruines du Colisée, et beaucoup des urnes sépulcrales provenant de la villa Mattei qu’il vendit en Angleterre portent aujourd’hui des inscriptions latines dont elles ne sont pas responsables. C’est encore, en effet, le beau temps des réparateurs d’antiques et aussi des faussaires. Il ne faut certes pas les confondre ensemble ; mais, à toutes les époques, les enfans perdus de la première de ces professions, pour peu qu’ils soient gens d’esprit, se sentent attirés assez naturellement vers l’autre.

Benvenuto Cellini raconte dans son autobiographie que le grand-duc lui ayant montré un jour un marbre antique sans tête ni jambes qu’on venait de lui envoyer de Palestrina, il fut saisi d’admiration et s’offrit avec enthousiasme à compléter ce bel ouvrage, bien que ce fût un vilain métier, dit-il, celui de ces vrais savetiers, ciabattini, qui se font raccommodeurs de statues ! « Je lui ferai une tête, des bras et des pieds, j’ajouterai un aigle, et ce sera Ganymède. » On sait que ce prétendu Ganymède figure comme tel aux Uffizi ; il est devenu célèbre ; la collection de Mme André, à Paris, possède une belle faïence florentine qui le reproduit. L’anecdote témoigne à la fois du naïf dédain de toute critique et du sentiment esthétique dont s’inspiraient exclusivement ces grands artistes du XVIe siècle. On raconte bien que Michel-Ange aurait refusé d’ajouter le poignet et la main