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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/620

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le chagrin de voir de nouveau usurper mon droit de préséance par quelque seconde maladie, le coléra (sic) peut-être. Vous me disiez dans une de vos lettres, monsieur, que votre usage était d’attendre les propositions des auteurs, et vous m’engagiez à vous faire part des miennes, lorsqu’il serait temps, pour Maria, que vous gratifiez de l’adjectif de belle : on ne peut lui donner celui d’heureuse.

Permettez-moi de vous soumettre le plan que j’ai formé à l’égard de cette publication ; j’ai déjà assez de chapitres disposés entièrement pour composer un volume in-8 et la moitié du second ; d’après le conseil de mes amis des Quatre Nations, qui, en chevaliers français, verront les épreuves afin de m’en éviter la peine), je puis faire commencer il imprimer ; on achèverait, durant ce temps, de copier ce qui restera de l’ouvrage qui, d’ailleurs, est terminé[1]. Six cents exemplaires et 50 louis, voilà pour la question la plus embarrassante à traiter, l’éditeur prendra pour les billets les termes qui lui conviendront.

Vous vous êtes sans doute bien amusé dimanche ? Mieux qu’au bal ! Bécord m’a dit en bémol qu’elle était dans une loge au rez-de-chaussée[2]. Adieu, monsieur, recevez, je vous prie, l’assurance de ma considération la plus distinguée et celle de mes sentimens,

ROSA DE SAINT-SURIN

P.~S. -Depuis deux jours, je suis souffrante, j’ai été obligée d’interrompre plusieurs fois cette lettre, j’attribue ma fatigue à dimanche… Imaginez que j’ai dansé jusqu’à six heures du matin que l’on a déjeuné, et cela sans d’autre interruption aux contredanses que le paisible galop.

M. Alibert m’écrit hier de vous engager à lui faire l’honneur de venir déjeuner dimanche chez lui, ainsi que j’ai eu l’extrême bonté de lui annoncer votre visite pour un jour quelconque ; il désire que ce soit demain ; il est encore malade, je le suis aussi, mais pour aller chez son médecin il n’importe, et si ce projet entre dans vos arrangemens, je vous attendrai à midi précis chez moi.

Ce samedi 30 novembre 1833.

Mardi, j’ai quelques personnes le soir ; je serais charmé que M. Berlioz ne vous réclamât pas à l’heure du thé.

Adieu.

  1. MM de Saint-Surin entendait parler ici de ses amis de l’Institut, l’Institut étant logé depuis 1806 - il y est encore aujourd’hui — dans l’ancien collège Mazarin ou des Quatre-Nations fondé en 1663, en exécution des dispositions testamentaires de Mazarin, pour recevoir spécialement les écoliers de l’état ecclésiastique de Pignerol, d’Alsace et pays allemands, de Flandre et de Roussillon ; d’où le nom de collège des Quatre-Nations.
  2. Où donc Renduel avait-il pu aller et s’amuser le dimanche précédent, 25 novembre 1833 ? Sûrement la dernière phrase de la lettre de Mme de Saint-Surin l’indique — à la représentation-concert que Berlioz, marié depuis deux mois, avait organisée à l’Opéra-Italien (salle de l’Odéon) pour restaurer la gloire de miss Smithson et qui fut un désastre pour sa femme, tandis que lui-même s’était embrouille en dirigeant sa cantate de Sardanapale et n’avait pu faire exécuter sa Symphonie fantastique, les musiciens recrutés par lui s’étant esquivés à minuit précis (v. mon Hector Berlioz, sa vie et œuvres, librairie de l’Art, 1888, p. 88 et suivantes). Renduel, qui n’aimait guère la musique, avait dû à sa qualité d’éditeur du Cénacle de recevoir une invitation pour ce concert : peut-être même, en raison des attaches romantiques du jeune compositeur, se faisait-il un devoir de défendre et d’applaudir Berlioz.