Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colonisé l’Afrique. Quant au Transvaal, il ne prévoit aucune complication avec lui. L’administrateur délégué (managing director) de la Charte s’étend ensuite longuement sur le côté commercial : il avait proposé de décréter que les droits d’entrée sur les marchandises anglaises dans la Chartered ne pourraient jamais être supérieurs à ceux que la colonie du Cap impose à ces mêmes marchandises : il se lance à ce sujet dans des considérations humoristiques et économiques au milieu desquelles il décoche aux Anglais un certain nombre de vérités : « Votre seule politique doit être de développer votre commerce. Vous n’êtes pas, comme la France, un producteur de grands crus, ni un tout comme les États-Unis ; vous êtes une petite province qui ne fait rien que travailler les matières premières et les distribuer ensuite au monde entier... chacun de vous a affaire à l’univers ; votre commerce s’étend au globe ; votre vie, c’est le globe et non pas l’Angleterre. »

La dernière assemblée générale a été celle du 12 juillet 1895 , qui a décidé l’augmentation du capital par l’émission de 500 000 actions nouvelles. Le total en est donc aujourd’hui de 2 500 000, constituant un capital nominal de 62 millions et demi de francs. Cette opération, pour laquelle les administrateurs de la compagnie ont très habilement mis à profit la période de spéculation folle qui a sévi sur les marchés européens durant l’été de 1895, a singulièrement consolidé la situation financière de la Chartered. Celle-ci avait contracté une dette d’environ vingt millions de francs (exactement 750 000 livres sterling) qui lui coûtait six pour cent d’intérêt l’an. Comme elle a trouvé un syndicat de garantie qui a souscrit 500 000 actions nouvelles à trois livres et demie, soit 250 pour 100 de prime, elle a encaissé 1750 000 livres, remboursé sa dette et mis dans ses caisses un million sterling, soit 25 millions de francs, tout en effaçant de son passif 750 000 livres d’obligations et en inscrivant seulement 500 000 livres d’actions, puisque celles-ci n’y figurent qu’au pair. C’est une des plus jolies combinaisons qu’une société puisse rêver : elle n’a été réalisable que grâce à la fièvre extraordinaire des marchés de Londres et de Paris, qui se jetaient à ce moment avec avidité sur tout ce qui leur était offert. Elle a certainement marqué l’apogée de la prospérité financière de la Chartered à ce jour : les actions ont valu vers cette époque neuf livres, soit 900 pour 100, c’est-à-dire que les cours de la Bourse assignaient a l’entreprise, incapable encore, de l’aveu de ses propres administrateurs, de payer un dividende, une valeur totale de 560 millions de francs. Cette même année 1895 n’aurait-elle pas aussi vu l’apogée de la puissance