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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/656

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nature lui a fournies et les accumule. Tel est le principe dont l’application nous a donné des races de pigeons aux aptitudes très diverses. Citons quelques exemples.

Les éleveurs français et belges sélectionnant en vue d’obtenir des succès dans les concours : ils spécialisent souvent l’instinct de leurs pigeons. De génération en génération, les animaux issus d’une même souche seront entraînés dans la direction est-ouest par exemple. Si nous prenons un pigeonneau sans connaître l’aptitude spéciale de ses ascendant, et que nous essayons de l’entraîner dans la direction nord-sud, nous aurons sans doute des mécomptes.

En Angleterre, où le brouillard est fréquent, les éleveurs ne conservent que les animaux voyageant bien dans la brume. Les races anglaises ont par suite l’aptitude à s’orienter par le mauvais temps, qui arrête souvent les pigeons des autres contrées. Pour des raisons semblables, les pigeons élevés en Suède et en Norvège sauront retrouver leurs colombiers malgré la neige, qui met souvent en défaut l’instinct de nos pigeons. L’entraînement des pigeons en mer nécessite, lui aussi, des aptitudes particulières, qu’un élevage raisonné développera par la sélection.

On lit dans les ouvrages traitant de la colombophilie que le pigeon voyageur n’est presque jamais blanc ; la raison en est bien simple : les habitans de nos colombiers sont sélectionnés pendant les voyages par les oiseaux de proie qui atteignent surtout les oiseaux de couleurs voyantes ; ceux-ci disparaissent donc généralement avant d’avoir fait souche. Cette observation ne s’applique pas naturellement au pigeon commun, qui s’écartant peu des habitations est moins fréquemment attaqué par l’épervier.

De même les pigeons volant près de terre tombent fatalement tôt ou tard sous le plomb du chasseur ; ils laissent généralement par suite très peu de descendans. C’est ainsi que parfois des circonstances indépendantes de notre volonté interviennent pour jouer un rôle important dans la transformation d’une espèce domestique.

La sélection permet d’approprier nos races à n’importe quel service : nous pouvons créer par exemple une variété d’oiseaux gardant fidèlement pendant un long internement le souvenir du colombier ; nous pouvons encore développer l’aptitude au voyage aller et retour. Nous nous demandions plus haut quelle limite peut être assignée à l’utilisation du pigeon voyageur ; fixer cette limite serait nier le principe du transformisme dans l’espèce qui est une loi de la création. Nos races se modifient constamment, elles sont par suite indéfiniment perfectibles. Au lieu de chercher quelle peut être la limite de l’emploi du pigeon, il faut indiquer