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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/708

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aux groupes plus avancés, mais ils avaient la prétention de conserver les trois autres. Le scrutin les en a justifiés. La triple élection de M. Poincaré, de M. Clausel de Coussergues et de M. Paul Deschanel a été une manifestation des plus significatives. On se compte quelquefois plus librement sur des noms propres que sur des projets de loi qui mettent en jeu les intérêts les plus divers. Incontestablement l’élection du bureau dans les deux Chambres est d’un bon augure pour les modérés.

Il serait néanmoins trop tôt, au seuil même de la session qui s’ouvre, de vouloir pronostiquer ce qu’elle sera. Nul ne sait encore dans quelles dispositions d’esprit nos députés sont revenus de leurs arrondissemens respectifs : peut-être ne s’en rendent-ils pas très bien compte eux-mêmes. Il y a un peu d’hésitation dans tous les groupes et de flottement sur leurs frontières. On attend les premiers actes du cabinet, ces actes si souvent annoncés, mais qui ne sont pas encore venus. Pendant les vacances parlementaires, nos ministres ont beaucoup parlé en province, sans que, de tant de harangues, il soit sorti de grandes lumières. Il faut, toutefois, distinguer parmi tous ces discours ceux de M. le Ministre des finances et M. le Président du Conseil, très intéressans l’un et l’autre, mais qui le seraient encore davantage s’ils étaient d’accord sur tous les points. M. Doumer et M. Bourgeois ont annoncé le prochain budget, et exposé les principes sur lesquels il reposerait. Tous deux se sont déclarés partisans de l’impôt sur le revenu, mais avec la différence que, d’après M. Doumer, cet impôt devra être progressif, et que M. Bourgeois est resté muet à ce sujet. La réserve évidemment calculée de M. le Président du Conseil permet de croire que les idées du gouvernement n’étaient pas encore complètement fixées à la veille même de la rentrée des Chambres. M. Doumer aime le progressif, il veut en mettre partout. Il a déclaré à la Commission du Sénat, chargée d’étudier la loi sur les successions, que tout l’intérêt de ce projet était que le principe de la progression y faisait sa première, mais non pas sa dernière apparition dans nos lois fiscales. Il n’a pas caché que, d’après lui, le système progressif devait être appliqué à l’ensemble de nos impôts. Nous voilà bien loin de M. Poincaré, l’auteur de la loi successorale, qui s’imaginait, en y introduisant timidement la progression, faire une concession définitive, après laquelle il serait plus fort pour repousser toutes les autres ! Il a simplement ouvert la porte à M. Doumer. Mais celui-ci est un doctrinaire ; M. Bourgeois, qui est un politique, n’a pas osé, dans son discours de Lyon, prononcer le mot d’impôt progressif. Il s’est contenté, ce qui était déjà bien assez, de parler d’un impôt sur le revenu, général et personnel. Ce sera, a-t-il dit, un impôt de remplacement ; il prendra la place de la contribution personnelle-mobilière et de l’impôt des portes et fenêtres, qui sont, eux aussi, ou qui ont la prétention d’être des impôts généraux sur le revenu. Généraux, oui ;