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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/842

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sujets britanniques de lui prêter aucune assistance, lui inspira-t-elle la crainte de voir diminuer le nombre de ses partisans. Cette proclamation devait pourtant être prévue : l’Angleterre ne pouvait, au moins officiellement, sanctionner un acte de piraterie internationale. Toujours est-il qu’une délégation du comité, ayant obtenu une audience du président, lui demanda d’accepter la venue du Haut-Commissaire à Pretoria et de s’engager à ne faire aucune entreprise à main armée contre Johannesburg jusqu’à son arrivée qui devait avoir lieu le 4. M. Krüger accepta d’autant plus volontiers qu’il avait ainsi le temps de mobiliser toutes ses forces. Dès lors le comité, heureux de n’avoir pas à lutter, se renferma dans l’inertie ; il laissa les 5 000 ou 6 000 hommes qu’il avait armés manœuvrer à Johannesburg, mais n’osa envoyer personne au secours de Jameson, n’eut même pas assez de décision pour couper le chemin de fer par lequel le gouvernement faisait parvenir, à travers la gare même de Johannesburg, les munitions à ses troupes en lutte avec les envahisseurs. Si ces envois n’étaient pas arrivés, les Boers auraient été obligés de laisser passer leurs ennemis faute de pouvoir tirer.

Je ne referai pas ici le récit connu de la marche de Jameson et de sa fin désastreuse. Pour que le docteur eût risqué une pareille marche forcée, près de 300 kilomètres faits en trois jours (29 décembre — 1er janvier) dans un pays sans route, presque sans manger ni dormir, il fallait qu’il se crût certain de n’avoir pas à combattre ou du moins, en cas de bataille, d’être énergiquement secouru par ceux qui l’avaient appelé. Toute aide lui manquant, ses hommes fatigués devaient être vaincus. Les Boers, dont plusieurs partis le suivaient sur ses flancs, le laissèrent s’avancer jusqu’à ce qu’eux-mêmes fussent en force pour se mesurer avec lui. Le 1er janvier au soir, dans les escarmouches de Randfontein et de Rietvlei, les Boers avaient l’infériorité numérique ; ils n’étaient que 400 contre les 700 envahisseurs et eurent pourtant l’avantage. Le lendemain ils avaient reçu des renforts et Jameson, qui avait essayé de tourner leur position, acculé dans un vallon au sud de Krügersdorp, vit ses hommes entourés et fusillés par le tir infaillible des Boers abrités derrière les grosses pierres d’un kopje (mamelon) rocheux qui le dominait. « Nous nous battions, dit un officier échappé presque seul au désastre, contre des flocons de fumée : puis lorsque, à bout de forces et désespérant de rompre la ligne de nos ennemis, nous eûmes hissé le drapeau blanc, nous vîmes tout à coup les pentes qui paraissaient désertes se couvrir d’hommes qui semblaient sortir de terre comme des fourmis. » Les pertes des Anglais furent de 65 tués, 37 blessés et 23 disparus. Tout le reste fut pris, avec